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jeune fille sortit, et, le voyant approcher, elle lui fit signe de s’éloigner et pressa le pas. Léonard la suivit de loin et la vit entrer dans l’auberge.


CHAPITRE XLI.

« Bravo ! bravo ! hourra ! » tels furent les cris que notre voyageur entendit en arrivant à la porte de l’auberge ; ces sons joyeux lui inspirèrent de la tristesse par leur contraste avec les sanglots qu’il venait d’entendre. Ces clameurs venaient de l’intérieur ; elles furent suivies d’applaudissements bruyants et de cliquetis de verres. En entrant, Léonard sentit une forte odeur de tabac. Il hésita un moment sur le seuil. Devant lui, sur des bancs qu’ombrageait le hêtre et dans l’intérieur du berceau, il aperçut différents groupes d’hommes, aux formes athlétiques, qui fumaient leurs pipes en plein air.

La maîtresse de la maison, en traversant la boutique pour aller dans la salle, aperçut Léonard et s’avança. Celui-ci était encore indécis : il aurait continué sa route, si la jeune fille n’eût excité son intérêt au plus haut point.

« Votre maison me paraît bien pleine, madame. Puis-je avoir une chambre pour la nuit ?

— Certainement, monsieur, répondit poliment la dame. Je puis vous donner une chambre à coucher, mais je ne sais où vous mettre en attendant. Les deux salles, le cabinet et la cuisine sont entièrement pleins. Il y a eu grande foire aux bestiaux dans le voisinage, et je suppose que nous avons bien ici à l’heure qu’il est une cinquantaine de fermiers.

— Quant à cela, madame, je pourrai rester dans la chambre à coucher que vous aurez la bonté de me donner ; et si cela ne vous dérange pas de m’y faire servir un peu de thé, je serai très-satisfait. Mais j’attendrai que vous ayez le temps. Ne quittez pas votre besogne pour moi. »

La dame fut touchée d’une politesse à laquelle ne l’avaient pas habituée ses grossières pratiques.

« Vous êtes bien honnête, monsieur, et nous ferons de notre mieux pour vous servir, si vous voulez être indulgent. Par ici monsieur. »

Léonard déposa son sac, entra dans le couloir, se fraya, non sans difficulté, un passage à travers un groupe de grands gaillards en bottes à revers et en guêtres de cuir, qui entraient dans la salle ou en sortaient, puis il suivit la dame jusqu’à une petite chambre, située au dernier étage.

« Elle est petite et haute, monsieur, dit l’hôtesse s’excusant. Mais