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satisfit ; il essaya d’une présentation et mena à bonne fin ses préliminaires matrimoniaux. Feu M. Hazeldean avait si bien prévu l’éventualité d’un second mariage de la jeune veuve, que dans son testament il avait nommé, en remplacement de sa mère, pour tuteurs de ses enfants, deux squires désignés comme ses exécuteurs testamentaires. Cette circonstance contribua à éloigner le cœur de mistress Hazeldean du gage de ses premières amours, et, lorsqu’elle eut donné un fils au colonel Egerton, ce fut sur cet enfant que se concentra peu à peu toute son affection maternelle.

William Hazeldean fut envoyé par ses tuteurs dans une grande académie de province, où, depuis un temps immémorial, ses ancêtres avaient reçu leur éducation. D’abord il vint passer ses jours de congé chez mistress Egerton, mais cette dame résidait tantôt à Londres, tantôt à Brighton, où elle suivait son mari pour jouir des plaisirs du Pavillon ; en outre, William grandissait : comme il aimait beaucoup la vie champêtre, et que ses manières rustiques faisaient rougir mistress Egerton, devenue femme du monde, il demanda et obtint la permission d’aller passer ses vacances chez ses tuteurs au vieux château. Il entra tard dans un petit collège de Cambridge, qui avait reçu au quinzième siècle une dotation de quelque Hazeldean, l’un de ses ancêtres, et le quitta à sa majorité sans avoir pris ses grades. Quelques années après, il épousa une jeune fille élevée à la campagne, et de goûts analogues aux siens.

Cependant, son frère, Audley Egerton, avait pour ainsi dire fait son entrée dans le beau monde, avant d’avoir quitté son hochet et ses joujoux ; il avait été bercé sur les genoux des duchesses et avait galopé dans la chambre à cheval sur les cannes des ambassadeurs et des princes. En effet, le colonel Egerton n’était pas seulement très-bien apparenté dans la haute société, ce n’était pas seulement un des Dii majores de la mode, il était encore (fortune des plus rares) très-populaire parmi tous ceux qui le connaissaient ; si populaire, que les belles dames qu’il avait adorées et délaissées lui pardonnèrent son mariage, sa mésalliance, et continuèrent avec lui leurs amicales relations, absolument comme s’il n’était pas marié. Lorsque le moment fut venu pour Audley de quitter l’école préparatoire où sa fleur s’était épanouie au milieu des plus beaux et des plus tendres lis de la campagne, pour aller à Eton, on choisit l’élite de la cinquième et de la sixième pour présenter ses civilités empressées au jeune Egerton. L’enfant ne tarda pas à montrer qu’il avait hérité du talent de son père pour acquérir la popularité et pour la mettre à profit.

Sans se distinguer précisément dans ses études, il s’efforça d’obtenir à Eton la réputation dont un élève doit se montrer le plus jaloux, c’est-à-dire qu’il sut se faire considérer parmi ses camarades comme un enfant qui ferait quelque chose lorsqu’il serait devenu homme. Comme membre de l’Université d’Oxford, il continua à réaliser les hautes espérances qu’on avait fondées sur lui, quoiqu’il ne remportât pas de prix et qu’il se bornât à se faire recevoir bachelier ; à Oxford, ce quelque chose futur se dessina davantage : il devint