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nel ! Ah ! voyez-vous ! on entend beaucoup parler des gens riches ! c’est l’expiation de la fortune, monsieur Avenel. »

Richard fut flatté. Il releva la tête.

« Et l’on dit, continua mistress M’Catchley laissant lentement tomber ses paroles en arrangeant son écharpe de blonde, que M. Avenel a résolu de ne pas se marier.

— Qui diable répand ce bruit-là, madame ? » s’écria brutalement Richard ; puis, rougissant de son lapsus linguæ, il se pinça les lèvres, et lança sur la société des regards flamboyants.

Mistress M’Catchley le regardait par-dessus son éventail. Richard se retourna brusquement ; elle baissa les yeux modestement et leva son éventail.

« Elle est vraiment bien belle ! » dit Richard entre ses dents.

L’éventail s’agitait.

Cinq minutes après, la veuve et le célibataire causaient si à l’aise, que mistress Pompley, qui avait été forcée de quitter un instant son amie pour aller recevoir la femme du doyen, put à peine en croire ses yeux lorsqu’elle revint auprès d’eux.

Or ce fut à dater de cette soirée que se manifesta chez Avenel le changement dont j’ai parlé plus haut. C’est aussi à dater de ce moment qu’il cessa d’emmener Léonard aux soirées des Jardins de l’abbaye.


CHAPITRE XXVII.

Quelques jours après cette mémorable soirée, le colonel Pompley était seul assis dans son cabinet, qui ouvrait sur un jardin dessiné à l’ancienne mode. Il était absorbé dans les comptes du ménage, car le colonel Pompley n’abandonnait pas ce soin à sa femme ; elle était peut-être trop grande dame pour cela.

Le colonel Pompley, de sa voix sonore, commandait la viande de boucherie, et de sa main héroïque distribuait les provisions. Pour rendre justice au colonel, je dois ajouter, au risque de déplaire au beau sexe, qu’il n’y avait pas dans Screwstown de maison mieux tenue que celle de la famille Pompley ; nulle part on n’avait aussi bien réussi à résoudre le difficile problème de vivre en même temps avec économie et avec éclat. Je dois renoncer à vous donner une idée du degré d’élasticité que le colonel Pompley avait su donner à ses revenus. Il n’avait guère à dépenser que sept cents livres par an, et plus d’une famille fait beaucoup moins avec un revenu de trois mille livres. Il est vrai que les Pompley n’avaient pas d’enfants à nourrir ; tout ce qu’ils dépensaient, c’était pour eux, et que s’ils ne dépassaient jamais leurs revenus, ils n’avaient pas non plus la pré-