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Léonard aurait naturellement désiré faire part à ses anciens amis de sa situation prospère, afin qu’ils pussent donner de ses nouvelles à sa mère. Mais Richard lui avait formellement interdit toute correspondance de cette nature.

« Voyez-vous, lui avait-il dit, nous faisons une expérience ; il faut voir si nous nous conviendrons. Supposons que le résultat de notre connaissance ne soit pas satisfaisant, vous auriez fait concevoir à votre mère des espérances qui n’aboutiraient qu’à un amer désappointement. Si nous nous arrangeons, au contraire, il sera toujours temps d’écrire lorsque l’épreuve aura été décisive.

— Mais ma mère va être inquiète.

— Tranquillisez-vous sur ce point. J’écrirai régulièrement à M. Dale, et il pourra dire à votre mère que vous vous portez bien et que vous êtes en bonne voie. Ne répliquez pas, mon ami ; quand je dis une chose, j’entends que cela soit. » Puis, remarquant que Léonard interdit n’avait pas l’air satisfait, Richard ajouta d’un ton de bonne humeur : « J’ai mes raisons pour cela, vous les connaîtrez plus tard. Écoutez ; si vous m’obéissez, j’ai l’intention de faire quelque chose pour votre mère ; sinon, du diable si elle recevra de moi un seul penny. »

Là-dessus, Richard tourna le dos à son neveu ; et, quelques instants après, on l’entendit parler à voix haute et adresser des reproches à quelques-uns de ses gens.

Vers la quatrième semaine du séjour de Léonard chez son oncle, il se manifesta chez celui-ci un certain changement d’allures. Il ne se montrait plus aussi affectueux avec Léonard ni aussi intéressé à ses progrès. Le sommelier le surprenait souvent en face de son miroir. Il avait toujours été très-soigné dans sa mise : mais sa coquetterie augmentait encore. Il salissait trois cravates avant de sortir le soir, tant le nœud qu’il faisait avait de peine à le satisfaire. Il acheta aussi un Armorial, et ce livre, à ses moments perdus, devint l’objet de ses études favorites. Tous ces symptômes avaient une cause, et cette cause était… une femme.


CHAPITRE XXVI.

Les Pompley étaient incontestablement les premiers personnages de Screwstown. Le colonel Pompley était majestueux, et mistress Pompley l’était plus encore. Le colonel était imposant en vertu de son grade et de ses services dans les Indes, mistress Pompley en vertu de sa parenté. Le colonel Pompley eût été accablé sous le poids des hauts personnages que citait constamment sa femme, s’il ne s’était appuyé sur un parent distingué à lui. Il ne lui eût pas été