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feux cherchaient les vôtres. Vraiment, je dis maintenant comme autrefois :

Nescio quod, certe est quod me tibi temperet astrum.

Audley détourna la tête en répondant au serrement de main de son ami, et pendant qu’Harley, de son pas léger, descendait l’escalier, Egerton le suivait lentement par derrière, et quand il prit place dans la voiture à côté de son ami, ce n’étaient plus les pensées de l’ambitieux qui se lisaient sur sa physionomie.

Deux heures après, les cris répétés : À la question ! à la question ! aux voix ! aux voix ! faisaient place au silence, quand Audley Egerton se leva pour résumer le débat, lui, l’homme capable par excellence de parler à une assemblée impatiente et fatiguée, l’homme qu’il fallait écouter et dont les cris d’un fou échappé de Bedlam n’eussent pas fait taire la voix retentissante. Et pendant qu’Audley Egerton, traitant la question la plus technique, captivait cependant l’attention de la chambre, où était Harley L’Estrange ? Seul et debout près de la rivière, à Richmond, murmurant tout bas quelques pensées bizarres en contemplant les eaux où se réfléchissaient les clartés de la lune.


CHAPITRE XXV.

Léonard avait passé environ six semaines chez son oncle, et ces six semaines avaient été bien employées. M. Richard l’avait initié au courant des affaires et aux mystères de la comptabilité en partie double. Pour récompenser le jeune homme de son application et de son zèle à apprendre des choses qui n’étaient pas de son goût (le pénétrant commerçant s’en était bientôt aperçu), Richard procura à son neveu le meilleur maître de la ville, qui lui donna des leçons pendant la soirée. Ce gentleman était premier sous-maître dans une grande école ; il disposait de son temps après huit heures, et s’estimait heureux de sortir de la fatigante routine des leçons obligatoires pour instruire un élève qui apprenait avec délices jusqu’à la grammaire latine. Léonard fit de rapides progrès, et il en apprit davantage dans ces six semaines que plus d’un enfant intelligent en une année. Ces heures que Léonard consacrait à l’étude, Richard les passait ordinairement hors de chez lui ; quelquefois il faisait des visites chez ses grandes connaissances aux Jardins de l’abbaye, d’autres fois au club fréquenté par la classe aristocratique. S’il restait à la maison, c’était en compagnie de son premier commis, pour contrôler ses livres ou jeter un coup d’œil sur les noms des électeurs douteux.