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garda fixement Léonard et l’entoura de ses bras en sanglotant : « Il a les yeux de Nora ! tout à fait le regard de Nora ! »

Mistress Avenel s’approcha vivement et écarta affectueusement le vieillard.

« C’est un pauvre homme maintenant, dit-elle tout bas à Léonard. Votre présence l’agite. Venez, je vais vous montrer votre chambre. »

Léonard monta l’escalier derrière la matrone et entra dans une chambre proprement et même élégamment meublée. Le soleil avait fait passer la couleur du tapis et des rideaux qui étaient d’ancienne mode, et la chambre paraissait avoir été abandonnée depuis longtemps.

Mistress Avenei, en entrant, se laissa tomber sur la première chaise qu’elle rencontra.

Léonard l’embrassa tendrement.

« J’ai peur de vous avoir attristée, ma chère grand’mère, » lui dit-il.

Mistress Avenei se déroba avec vivacité à son étreinte ; puis mettant la main sur la tête du jeune homme, elle lui dit avec solennité : « Dieu vous bénisse, mon petit-fils ! » et elle quitta la chambre.

Léonard laissa tomber son sac par terre et promena autour de lui des regards inquiets. La chambre paraissait avoir été jadis habitée par une femme. Sur la commode se voyait une boîte à ouvrage ; au-dessus des étagères à livres attachées par des rubans bleus ; à chaque étagère pendait une soie frangée ; çà et là des glands et des nœuds. Par un mouvement machinal et naturel à un étudiant, Léonard examina quelques volumes qui restaient encore sur les rayons. Il y trouva La Reine des Fées de Spencer, Racine en français, le Tasse en italien, et sur le premier feuillet de chaque volume il vit écrit d’une main élégante, dont il avait conservé le souvenir, le nom de Léonora. Il baisa ces livres et les replaça avec un sentiment de tendresse et de vénération.

Il était seul dans la chambre depuis un quart d’heure, lorsque la servante frappa à sa porte pour l’inviter à venir prendre le thé.

Le pauvre John était remis de son émotion. Sa femme, assise à ses côtés, tenait la main de son mari dans la sienne. Le vieillard adressa au jeune voyageur beaucoup de questions sur sa fille Jeanne, sans donner à Léonard le temps de répondre. Puis il parla du squire qu’il confondait avec Audley Egerton ; il parla aussi d’élections et du parti bleu, manifestant l’espoir que Léonard serait un bon bleu. Enfin il revint à son thé et à ses rôties et n’en dit pas davantage.

Mistress Avenei parlait peu, mais de temps en temps elle regardait furtivement Léonard, et après chaque coup d’œil sa figure sévère et triste se crispait de nouveau.

Un peu après neuf heures, mistress Avenel alluma un flambeau, et le mettant dans la main de Léonard, elle lui dit : « Vous devez être fatigué. Vous connaissez votre chambre maintenant. Allons, bonne nuit. »

Léonard prit la lumière et, comme il faisait chaque soir pour sa