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du gazon ; mais que deviendrait la chasse de milord ? L’aristocratie nous dévore, mon garçon.

— Mais ce n’est pas l’aristocratie qui a semé cette pièce de seigle, je suppose, dit Léonard en souriant.

— Et quelle conclusion en tirez-vous ?

— Qu’il faut laisser chacun cultiver son champ comme il l’entend, dit Léonard avec cette vivacité de repartie qu’il avait empruntée au docteur Riccabocca.

— Vous êtes un garçon intelligent, dit Richard. Nous parlerons plus longuement de tout cela une autre fois. »

Ils étaient arrivés près de la maison de M. Avenel.

« Vous pouvez passer par cette ouverture pratiquée dans la haie, à côté du vieux saule que vous voyez là, dit Richard, puis vous ferez le tour pour entrer sur le devant.

« Eh bien ! vous n’avez pas peur, j’espère ?

— Je ne suis qu’un étranger.

— Voulez-vous que je vous présente ? Je vous ai dit que je connais des vieilles gens.

— Oh ! non, monsieur. Je préfère entrer seul.

— Eh bien, allez donc ! Un moment : écoutez-moi, jeune homme. Mistress Avenel est un peu froide au premier abord ; mais que cela ne vous décourage pas. »

Léonard remercia l’excellent étranger, traversa le champ, passa par l’ouverture et s’arrêta un moment à l’abri du maigre ombrage projeté par le vieux saule. Les corbeaux rentraient dans leurs nids À la vue d’un être humain arrêté sous l’arbre, ils planèrent autour et l’observèrent de loin. Du milieu des branches on entendait leurs petits poussant des cris sourds et rauques[1].


CHAPITRE XX.

Le jeune homme entra dans cette salle à la fois si propre, si rangée et si grave.

« Soyez le bienvenu, dit mistress Avenel d’une voix ferme.

— Monsieur est certainement et bien sincèrement le bienvenu, s’écria le pauvre John.

— C’est votre petit-fils Léonard Fairfield, » dit mistress Avenel.

John se leva : ses genoux se heurtaient l’un contre l’autre. Il re-

  1. Il est si rare que les corbeaux fassent leurs nids dans le voisinage d’une maison habitée, qu’il est peut-être à propos de remarquer que cette circonstance est historique.