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— Oui, quand les hommes sont ensemble, mon cher, je vous comprends, on en dit de belles sur nous. Mais vous êtes tous les mêmes, n’est-il pas vrai, mon ami ?

— Je sais, dit le curé simplement, que j’ai de bonnes raisons de dire du bien de votre sexe, quand je pense à vous et à ma pauvre mère. » Mistress Dale, qui, malgré ses humeurs, était une excellente femme, et aimait son mari de toute la force de son ardent petit cœur, fut vivement touchée. Elle lui serra la main et ne l’appela pas une seule fois cher pendant tout le trajet.

Cependant l’Italien avait traversé les champs, et était arrivé sur la grande route environ à deux milles d’Hazeldean. D’un côté s’élevait une vieille auberge solitaire, telle qu’étaient les auberges avant qu’on en eût fait des hôtels du chemin de fer, de bonnes maisons carrées, massives, antiques, vous promettant l’hospitalité et le confortable avec leurs grandes enseignes qui se balançaient au-dessus de la porte, attachées à une branche d’orme ; puis la longue suite d’étables qui s’étendait par derrière avec une chaise de poste ou deux dans la cour et le joyeux aubergiste causant de la récolte avec quelque robuste fermier, dont le vigoureux poney s’arrêtait de lui-même à la porte bien connue.

En face de cette auberge, de l’autre côté du chemin, s’élevait la demeure du docteur Riccabocca.

Quelques années avant la date de ce récit, la diligence, se rendant d’un port de mer à Londres, s’arrêta devant l’auberge suivant sa coutume pendant une bonne heure, afin que les voyageurs pussent dîner comme des Anglais chrétiens et non pas engouffrer une assiettée de soupe bouillante, comme des païens de Yankees avec ce maudit sifflet qui se fait entendre comme un démon à leurs oreilles. C’était le meilleur endroit de toute la route pour faire un bon dîner, car la truite du ruisseau voisin était renommée et renommés aussi les moutons du seigneur d’Hazeldean.

De l’intérieur de la diligence étaient descendus deux voyageurs qui, seuls insensibles aux attraits du mouton et de la truite, refusèrent de dîner. C’étaient deux étrangers à la figure mélancolique : l’un était le docteur Riccabocca, presque tel que nous le voyons maintenant, sinon que ses vêtements noirs étaient moins usés, son grand corps moins maigre et qu’il ne portait pas encore de lunettes : l’autre était son domestique. Ils voulaient marcher un peu pendant que la voiture était arrêtée. En ce moment l’œil de l’Italien s’était fixé sur une maison délabrée et presque en ruines, qui néanmoins était bien située. À mi-côte, sur une verte colline, tournée en plein midi avec une petite cascade tombant d’un rocher artificiel ; une terrasse avec une balustrade, quelques urnes et quelques statues brisées devant son portique ionien. Sur la route se trouvait un écriteau avec des caractères à demi effacés annonçant que la maison était à louer non meublée avec ou sans terrain.

L’habitation qui paraissait si abandonnée et qui évidemment devait être restée longtemps à la charge du propriétaire appartenait au squire