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— C’est une pauvre créature ! dit John d’une voix faible, et comme ayant pitié de lui-même. Je ne puis plus m’occuper comme je ne le faisais. Mais ce n’est pas encore l’époque des élections, monsieur ?

— Non, John, dit mistress Avenel en plaçant le bras de son mari sous le sien. Allez vous reposer un peu pendant que je vais parler à monsieur.

— Je suis toujours un bon bleu, dit le pauvre John ; mais je suis plus ce que j’étais autrefois. S’appuyant lourdement sur sa femme, il quitta la chambre, puis se retournant sur le seuil, il dit avec une grande urbanité : Nous ferons tout ce qui sera en notre pouvoir pour vous obliger, monsieur ! »

Monsieur Dale fut touché ; il se rappelait avoir vu John Avenel, l’homme le plus beau, le plus actif, le plus enjoué de Lansmere, l’orateur le plus écouté et le plus influent dans les élections. « Voilà le dernier acte, murmura le curé… Pauvre, pauvre humanité ! »

Quelques minutes après mistress Avenel rentra ; elle se plaça sur un siège en face du curé et appuyant une main sur le bras du fauteuil, elle arrangea de l’autre, avec un mouvement plein de raideur, sa robe aussi roide qu’elle.

« Maintenant, monsieur… »

Ce maintenant, monsieur, avait quelque chose de sinistre et de provocateur. Le malin curé s’en aperçut avec son tact ordinaire ; il rapprocha sa chaise de mistress Avenel et plaçant sa main sur la sienne : « Maintenant donc, dit-il, nous voici entre amis. « 


CHAPITRE XI.

M. Dale s’était entretenu plus d’un quart d’heure avec mistress Avenel et avait vraisemblablement gagné peu de terrain en faveur de sa mission diplomatique, car tirant lentement ses gants, il dit :

« Je regrette vivement, mistress Avenel, de voir que votre cœur se soit ainsi endurci. Il faut me pardonner ; mais c’est ma vocation de dire la franche vérité. Vous ne pouvez point m’accuser de n’avoir pas tenu ma parole envers vous, mais je dois maintenant vous prier de vous rappeler que je m’étais spécialement réservé le droit d’agir quand je jugerais le moment propice aux intérêts de l’enfant. Ce fut d’après cette convention que vous m’avez fait la promesse (promesse que vous voulez maintenant rétracter) de pourvoir à tous ses besoins, quand il aurait cessé d’être un enfant.

— Je consens à venir à son aide et je vous dis que vous pouvez le mettre en apprentissage dans quelque ville éloignée, et qu’un jour, nous lui achèterons une boutique. Que pouvez-vous demander de