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la douce prévoyance de la nature : peut être cette poésie suave et romantique, née à une époque matérialiste, avide et prosaïque, est-elle destinée à nous servir de remède et de contre-poison aujourd’hui que ce monde est tout pour nous et que nous avons besoin de quelque chose qui nous parle, fût-ce dans un langage emphatique, de la lune et des étoiles.

Quoi qu’il en soit, la douce influence de l’Hélicon descendit sur l’âme de Léonard Fairfield comme une rosée salutaire, au moment où une ambition inquiète troublait son cœur, où il se trouvait en lutte intérieure avec les gigantesques problèmes de la politique, dans sa disposition à appliquer uniquement la science à un but pratique et immédiat.

Cette douce vision de la muse lui apparut sous le blanc et gracieux vêtement d’un ange de paix ; levant le doigt en haut, et lui montrant les célestes régions, elle lui découvrit les perspectives infinies du beau idéal, spectacle accordé au paysan tout aussi bien qu’au prince ; elle lui fit comprendre que sur cette terre, il y a quelque chose de plus noble que la fortune, et que celui qui peut envisager le monde en poète est toujours souverain par l’âme.

Léonard porta ses regards dans son cœur, après que l’enchanteresse l’eut embaumé de son souffle, et à travers les vapeurs d’une vague et tendre mélancolie, traces de son passage, il vit luire comme un nouveau soleil, dont les rayons répandaient le bonheur et la joie sur le paysage de la vie humaine.

Ainsi, quoique cette mystérieuse parente n’existât plus, quoique Léonard ne l’eût jamais connue, qu’elle ne fût qu’une voix, et rien de plus, elle lui avait parlé ; elle avait consolé son âme, l’avait encouragée, et avait rétabli l’harmonie dans tout son être. Présomptueux que nous sommes !

Nous qualifions d’obscures la majeure partie des existences humaines ! Savons-nous quelles existences ont trouvé dans une seule pensée, sauvée de la poussière de tombeaux sans nom, la lumière qui leur montra le chemin de la gloire !


CHAPITRE IX.

Une année environ s’était écoulée depuis la découverte que Léonard Fairfield avait faite des manuscrits de sa famille, quand le curé Dale vint emprunter au squire sa jument de selle la plus douce pour entreprendre une excursion. Il prétexta une affaire avec l’un de ses anciens paroissiens de Lansmere, car, ainsi que nous l’avons dit dans un précédent chapitre, il avait habité ce bourg en qualité de vicaire, avant d’avoir obtenu la cure d’Hazeldean.