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tique italien, cupidité d’autant plus âpre qu’elle oubliait ses intérêts personnels et matériels, pour se reporter tout entière sur ceux de son maître.

Ainsi séduit par son ennemie et trahi par son domestique, l’infortuné Riccabocca tomba, bien qu’avec connaissance de cause, dans les pièges hospitaliers tendus à sa condition de célibataire. Il alla souvent au presbytère, souvent au château, et peu à peu les douceurs du foyer domestique, dont il avait été si longtemps privé, commencèrent à exercer leur influence énervante sur le caractère stoïque de notre pauvre exilé.

Le docteur Riccabocca cependant ne soufflait mot de mariage. Si une idée semblable se présentait à son esprit, elle était immédiatement chassée par un Diavolo si énergiquement articulé que bien probablement la fin, sinon du monde, au moins des prétentions de miss Jemima serait arrivée, sans que le moindre changement fût survenu dans l’état civil de la demoiselle, si un mardi matin le docteur n’avait reçu une certaine lettre, marquée d’un timbre d’étranger.


CHAPITRE XIII.

« Ami ! dit Riccabocca à Giacomo d’une voix émue, après avoir lu la lettre ; ami, je voudrais te parler de mon enfant.

— La lettre concerne donc la signorina ? Se porte-t-elle bien ?

— Oui… elle se porte bien maintenant. Elle est dans notre Italie. »

Jackeymo leva involontairement les yeux sur les orangers, dont la brise matinale lui apportait le parfum.

« Ces orangers fleurissent même ici, quand on les soigne, dit-il en montrant les arbustes. Je crois l’avoir déjà dit au padrone. »

Mais Riccabocca, qui regarda encore une fois la lettre, ne remarqua ni le geste ni l’observation de son domestique.

« Ma tante est morte, dit-il après un moment de silence.

— Nous prierons pour son âme ! répondit Jackeymo d’un ton solennel. Mais elle était bien vieille ; elle souffrait depuis longtemps. Que le padrone ne s’attriste pas trop ; à cet âge, au milieu de telles infirmités, la mort est une amie.

— Paix à ses cendres ! reprit l’Italien. Si elle a eu des défauts, qu’ils lui soient à jamais pardonnés ! À l’heure du danger et de l’infortune, elle a donné asile à mon enfant. Mais cet asile n’existe plus. Cette lettre est du confesseur de ma tante ; et cette maison, dont mon enfant est privée, c’est mon ennemi qui en hérite !

— Le traître ! murmura Jackeymo ; et sa main sembla chercher