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Mais le squire et son fils Frank avaient l’âme grande et généreuse sur l’article des excuses, aussi bien que sur les choses qu’on mesure moins avaricieusement. Voyant que Léonard Fairfield ne voulait mettre aucun baume sur la plaie de Randal Leslie, ils s’efforcèrent d’y porter eux-mêmes le remède. Le squire accompagna son fils à Roodhall, et toute la famille ayant jugé à propos de faire dire qu’elle était absente, le squire écrivit de sa propre main une épître capable de panser toutes les blessures qu’avait jamais reçues la dignité des Leslie.

Cette lettre d’excuses se terminait par de vives instances pour que Randal vînt passer quelques jours avec Frank. Celui-ci écrivit également quelques lignes tout aussi pressantes quoique beaucoup moins lisibles.

On ne reçut la réponse de Randal que quelques jours après. Elle était datée d’un petit village proche de Londres, et annonçait que le jeune homme travaillant avec un professeur pour se préparer à entrer à Oxford, ne pouvait conséquemment accepter l’invitation qui lui était faite.

Quant au reste, Randal s’exprimait avec beaucoup de bon sens, bien qu’avec peu de générosité. Il s’excusait de la part qu’il avait prise à une rixe aussi vulgaire, par une amère, mais courte allusion à l’entêtement et à l’ignorance des paysans. Il ne fit pas ce que vous eussiez sans doute fait, cher lecteur, en pareille occasion, je veux dire qu’il n’intercéda pas en faveur de son brave et malheureux antagoniste ; et le squire irrité de ne pouvoir réparer l’injure qu’avait subie son jeune parent, cessa d’éprouver un sentiment de regret, en passant devant le cottage désert de mistress Fairfield.


CHAPITRE XI.

Lenny Fairfield continuait à donner beaucoup de satisfaction à ses nouveaux maîtres, et à profiter sous bien des rapports de la bonté familière avec laquelle on le traitait. Riccabocca, qui se piquait de lire dans les cœurs, avait vu du premier coup d’œil dans le caractère et dans l’intelligence du jeune paysan anglais le germe de qualités peu communes. Quand il le connut mieux, il s’aperçut que sous l’innocente simplicité de l’enfant se cachait une profonde pénétration qui ne manquait que de développement et de direction. Il s’assura que les progrès de l’enfant modèle à l’école du village provenaient d’autre chose que d’une docilité mécanique et même d’une compréhension facile. Lenny avait une soif ardente de s’instruire et les désavantages de sa naissance et du milieu dans lequel il vivait n’avaient été pour lui que d’énergiques stimulants au travail. Mais en même temps que