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à étudier les mystérieuses bizarreries du cœur humain, qui mènent à l’extraordinaire dans le crime et le vice comme dans la vertu. Mais notre société s’est débarrassée de toutes les tentations qui pourraient entraîner à quelque crime ou à quelque vice saillant, et le niveau moral est si égal, qu’il n’y a même pas de vertus saillantes. Dès qu’elle ne peut plus se nourrir de passions fortes, de crimes terribles, de supériorités héroïques, la poésie est sinon condamnée à mourir de faim, du moins réduite à un maigre ordinaire. Il reste la poésie descriptive : la description des rochers, des arbres, des eaux, de la vie domestique, et nos jeunes Gy-ei mêlent beaucoup de ces fadeurs à leurs vers amoureux.

— Une telle poésie, — m’écriai-je, — pourrait assurément être charmante, et nous avons parmi nous des critiques qui la considèrent comme plus élevée que celle qui dépeint les crimes ou analyse les passions de l’homme. Quoi qu’il en soit, le genre poétique insipide dont vous parlez est celui qui trouve aujourd’hui le plus de lecteurs parmi le peuple auquel j’appartiens.