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dame de Ventadour voulait dire qu’elle préférait danser à rester assise. Le Français sourit.

— Lord Taunton veut mettre à l’épreuve votre philosophie, » dit l’ambassadeur.

Lord Taunton sourit, parce que tout le monde souriait ; et de plus, parce qu’il avait de fort belles dents ; mais il paraissait attendre la réponse avec inquiétude.

« Merci ; pas ce soir ; je danse rarement. Quelle est cette jolie femme ? Que les Anglaises ont de beaux teints ! Et quel est, continua madame de Ventadour, sans attendre la réponse à sa première question, quel est ce monsieur (je veux dire le plus jeune), qui s’appuie contre la porte ?

— Comment, celui qui porte des moustaches noires ? dit lord Taunton. C’est un de mes cousins.

— Oh ! non, je ne veux pas dire le colonel Bellfield ; je le connais, lui ; il est bien amusant ! Non ; le monsieur dont je parle ne porte pas de moustaches.

— Ah ! ce grand Anglais, avec des yeux brillants et un front élevé, dit l’ambassadeur français. Il vient d’arriver… de l’Orient, je crois.

— C’est une figure caractérisée, dit madame de Ventadour ; il y a quelque chose de chevaleresque dans la manière dont il porte la tête. Il est noble, sans doute, lord Taunton ?

— Il est ce que vous appelleriez noble, répliqua lord Taunton, c’est-à-dire ce que nous, appelons, nous, un Gentleman. Il s’appelle Maltravers : M. Maltravers. Il vient d’atteindre sa majorité, et possède, à ce qu’il paraît, une assez belle fortune.

— Monsieur Maltravers ; rien que monsieur ! répéta ma dame de Ventadour.

— Mais vous comprenez, dit l’ambassadeur français, que le gentilhomme anglais n’a pas besoin d’une particule ou d’un titre pour le distinguer du roturier.

— Je sais cela ; pourtant il a l’air de quelque chose de plus qu’un simple gentilhomme. Il y a de la grandeur dans son regard ; mais ce n’est pas, je dois l’avouer, la grandeur conventionnelle du rang ; peut-être aurait-il eu le même air, s’il eût été paysan.

— Vous ne trouvez pas qu’il soit beau ? dit lord Taunton d’un ton presque fâché (car c’était ce qu’on appelle un bel homme, et un bel homme est quelquefois jaloux).

— Beau ! Je n’ai pas dit cela, reprit madame de Ventadour