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LIVRE II.


CHAPITRE PREMIER.


Il y eut certainement quelque chose de singulier dans mes sentiments pour cette charmante femme.
(Rousseau.)


Le bal qui se donnait au palazzo de l’ambassade autrichienne, à Naples, était brillant, et une foule de ces oisifs, jeunes ou vieux, qui s’attachent à la beauté régnante, se pressaient autour de Mme de Ventadour. En général il y a plus de caprice que de goût dans l’élection d’une beauté au trône idalien. Rien ne désenchante plus un étranger que de voir, pour la première fois, la femme à laquelle le monde a décerné la pomme d’or. Cependant il finit ordinairement par succomber lui-même à l’idolâtrie générale, et il passe avec une rapidité inconcevable du scepticisme le plus indigné à la plus superstitieuse vénération. Le fait est que mille choses, en dehors de la seule symétrie des traits, contribuent à créer la Cythérée du moment : du tact en société, du charme dans les manières, un éclat indéfinissable et piquant. Là où le monde rencontre les Grâces, il proclame Vénus. Peu de gens arrivent à une grande célébrité, en quoi que ce soit, sans le secours de quelques circonstances accidentelles et accessoires, qui n’ont rien de commun avec l’idole du jour. Certaines qualités ou certaines circonstances répandent un charme mystérieux ou personnel autour d’eux «  « M. un tel est-il vraiment un aussi grand génie qu’on le dit ? — Est-ce que Mme une telle est réellement aussi belle qu’on le prétend ? demandez-vous avec incrédulité. — Mais oui, répond-on. — Savez-vous tout ce qui le (ou la) concerne ? — On dit telle ou telle chose ; ou bien il est