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qu’on appelle les affaires : il devint de plus en plus riche ; mais mon père et ma mère moururent sans qu’il leur en eût profité le moins du monde. J’atteignis ma majorité, et je me vis à la tête (j’aime cette expression) des huit cents livres sterling de revenu, ni plus ni moins, dont je vous ai souvent parlé. Mon oncle, l’homme riche, est marié, sans enfants. Je suis donc son héritier présomptif ; mais c’est un puritain, et fièrement ladre, malgré toute son ostentation. La querelle entre mon oncle Templeton et les Saxingham continue toujours. Templeton se fâche si je vois les Saxingham ; et les Saxingham… milord du moins, n’est pas tellement assuré de me voir l’héritier de Templeton, qu’il n’éprouve la crainte d’avoir à me pourvoir d’une place un jour ou l’autre ; car vous savez que lord Saxingham est dans l’administration. En somme, j’ai dans la société de Londres une espèce de position amphibie, assez équivoque, qui ne me plaît guère ; d’un côté je représente une parenté aristocratique vers laquelle les branches parvenues penchent toujours amoureusement ; et de l’autre côté je suis un cadet de famille, assez pauvre, que ses nobles parents traitent avec une défiance polie. Un jour, quand je serai fatigué des voyages et de l’oisiveté, je reviendrai lutter contre ces petites difficultés ; concilier mon oncle le méthodiste, et me mesurer avec mon noble cousin. Pour le moment, je suis propre à quelque chose de mieux que de faire mon chemin dans le monde. C’est avec des copeaux secs, et non avec du bois vert qu’il faut faire le feu !… Mais comme nous allons lentement ! Holà ! dites donc postillon ! avancez donc ! Menez-nous douze milles à l’heure ! Vous aurez un six pence par mille ! Donnez-moi votre bourse, Maltravers ; il vaut mieux que je sois le banquier, puisque je suis le plus âgé et le plus sage ; nous réglerons nos comptes à la fin du voyage… Tudieu ! la jolie fille ! »