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louses et les coteaux lumineux du goût moderne. Mais, dans l’état d’esprit où était Maltravers, il trouvait là quelque chose de sinistre et d’accablant ; la nuit de la mort semblait se cacher dans toute ombre, et sa voix prophétique gémir avec la brise.

La voiture s’arrêta de nouveau. Des lumières brillaient aux fenêtres du rez-de-chaussée, et au-dessus, plus terne que les autres, une pâle lueur éclairait la fenêtre de la chambre où dormait le malade. La cloche sonna bruyamment au milieu du lierre qui couvrait le portique. La lourde porte s’ouvrit… Maltravers était sur le seuil. Son père vivait ; il éprouvait du mieux ; il était éveillé. Le fils était dans les bras de son père.


CHAPITRE X.

Le chêne protecteur gémissait sur le toit qu’il avait abrité ; l’air lourd retentissait de gémissements douloureux.
(Elliott de Sheffield.)

Plusieurs jours s’étaient écoulés ; Alice était toujours seule ; mais elle avait eu deux fois des nouvelles de Maltravers. Les lettres étaient courtes et écrites à la hâte. La première fois son père allait mieux, il y avait de l’espoir ; la seconde fois, on ne pensait pas qu’il pût vivre une semaine de plus. C’étaient les premières lettres de lui qu’Alice eût jamais reçues. Ces premières lettres-là font événement dans la vie d’une jeune fille ; dans celle d’Alice ce fut un triste événement. Ernest ne lui demandait pas de lui écrire ; le fait est qu’il éprouvait de la répugnance, dans un pareil moment, à révéler son véritable nom, et à entretenir une correspondance d’amour clandestine dans la maison où se mourait son père. Il aurait pu se faire adresser des lettres sous le nom supposé qu’il avait adopté, dans quelque petite ville éloignée, où sa personne n’était pas connue. Mais, pour aller les prendre, il lui eût fallu quitter le chevet de son père pendant plusieurs heures ; c’était chose impossible. Maltravers n’expliquait pas ces difficultés à Alice.

Elle trouvait singulier qu’il n’eût pas le désir de recevoir de ses nouvelles ; mais Alice était humble : que pouvait-elle lui