Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’était pas pour cela qu’il le saisissait toujours avec empressement, et le lisait avec tant d’intérêt. Le comté où demeurait son père était limitrophe de celui où séjournait Ernest, et dans ses colonnes étendues, le journal insérait toujours les nouvelles de ce district. La conscience d’Ernest était donc satisfaite, et ses inquiétudes filiales calmées, lorsqu’il lisait, de temps en temps, que « M. Maltravers avait reçu des visiteurs de distinction à son noble manoir de Lisle-Court ; » ou bien que « la meute de M. Maltravers s’était réunie tel jour, dans tel taillis ; » ou bien encore que « M. Maltravers avait souscrit pour vingt guinées en faveur de la nouvelle prison du comté. »

Et maintenant en apercevant le journal attendu, posé à côté de la bouilloire fumante, il le saisit avec empressement, déchira l’enveloppe, et se hâta de chercher la colonne, bien connue, qui contenait les nouvelles du district paternel. Les premiers mots qui frappèrent ses yeux furent ceux-ci :

DANGEREUSE INDISPOSITION DE M. MALTRAVERS.

« Nous avons le regret d’annoncer que ce gentilhomme estimable et distingué a été saisi, mercredi soir, d’une violente affection spasmodique. On a immédiatement envoyé chercher le docteur, qui a déclaré que le malade avait une attaque de goutte à l’estomac. On a fait appeler les premiers médecins de Londres.

« Post-scriptum. Nous avons envoyé savoir des nouvelles de l’honorable propriétaire de Lisle-Court, et nous apprenons que son état s’est considérablement aggravé : on conserve peu d’espoir de le sauver. Le capitaine Maltravers, son fils aîné et son héritier, est à Lisle-Court. On a envoyé un express à la recherche de M. Ernest Maltravers, qui, entraîné par la noble ardeur de son caractère britannique dans quelque dispute avec les autorités d’un gouvernement despotique, a disparu subitement de Göttingen, où ses talents extraordinaires l’avaient fait vivement remarquer. »

Ernest laissa tomber le journal. Il se renversa dans son fauteuil, et couvrit son visage de ses mains.

En un instant Alice vola auprès de lui. Il leva les yeux et aperçut son regard inquiet et effrayé.

« Ah ! Alice ! s’écria-t-il avec amertume, en la repoussant presque, si vous pouviez seulement deviner mes remords ! »

Puis se levant vivement, il s’élança hors de la chambre.