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de régularité et de ferveur que si elle n’eût rien fait de répréhensible. Mais le Code du ciel est plus indulgent que celui de la terre, et ne déclare pas que l’ignorance n’excuse pas le crime.


CHAPITRE VIII.

Les nuages balayent l’espace, comme des vautours poursuivant leur proie…

. . . . . . . . . . . . . . .

Le firmament ne revêtira plus sa robe d’azur, et les étoiles d’or ne resplendiront plus.

(Byron. Le Ciel et la Terre.)

C’était par une délicieuse soirée du mois d’avril ; le temps était d’une tiédeur et d’une sérénité extraordinaires pour cette saison de l’année, surtout dans le nord de notre île ; une averse récente faisait étinceler des gouttes d’eau sur les boutons des lilas et des faux ébéniers qui environnaient le cottage de Maltravers. Le petit jet d’eau s’élançait au centre d’un bassin circulaire, dont la surface transparente était ombragée par les larges feuilles du lis d’eau, et rafraîchissait encore la verdure de la pelouse ; sur l’herbe tendre et veloutée, quelques fleurs précoces commençaient à fermer leurs pétales. Cette pluie du soir avait donné quelque chose de pénétrant, une douceur vivifiante à la brise qui arrivait tout imprégnée du parfum des violettes, et soulevait doucement les boucles dorées d’Alice, assise à côté de son amant silencieux et perdu en extase. Ils étaient côte à côte sur un banc rustique à l’entrée de la maisonnette, et les fenêtres ouvertes derrière eux laissaient apercevoir cette bienheureuse chambre, encombrée de livres et d’instruments de musique, où tout parlait hautement de la « poésie du foyer domestique. »

Maltravers gardait le silence ; son imagination souple et impressionnable, évoquait mille images fantastiques, dans l’air transparent, ou sur les parterres de violettes enveloppés d’ombre. Il ne pensait pas, il imaginait. Son génie se reposait rêveur dans le sentiment calme, mais exquis, du bonheur. Alice n’était pas absolument l’objet de ses pensées, mais, à son insu, elle les colorait toutes ; si elle avait quitté sa place à ses