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suyait l’écume qui blanchissait ses lèvres, c’était la voix de Maltravers qui s’efforçait de le calmer ; c’étaient les larmes de Maltravers qui tombaient sur ce front brûlant.

« Soignez-le, monsieur, soignez-le comme s’il était mon frère, dit Maltravers en se cachant le visage, et en cédant sa place au médecin. Qu’on lui donne tout ce qui pourra le soulager et le guérir ; qu’on le transporte dans une demeure plus convenable ; qu’on se procure les conseils les plus éclairés. Guérissez-le, et… et… »

Il ne put en dire davantage, et il se retira précipitamment.

On apprit plus tard que Cesarini était resté dans la rue, après sa courte entrevue avec Ernest ; qu’à la fin il avait frappé à la porte de lord Saxingham, à l’heure même où la mort avait réclamé sa victime. On lui annonça cette triste nouvelle ; il voulut de force pénétrer auprès de la morte ; on le jeta à la porte. Nul ne savait ce qu’il était devenu, jusqu’au moment où il était arrivé chez lui, une heure avant Danvers et Maltravers, dans un état de frénésie furieuse. Peut-être, grâce à un de ces ternes et capricieux rayons de lumière, qui traversent les ténèbres de la démence, avait-il conservé quelque faible souvenir de son pacte avec Maltravers ; et c’était ce souvenir qui avait sans doute ramené ses pas jusqu’à sa demeure.

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Deux mois s’étaient écoulés. Par une belle matinée du dimanche au commencement du mois de mai, Lumley, maintenant lord Vargrave, était assis tout seul dans le fauteuil de feu son oncle, à côté d’une fenêtre de la villa de feu son oncle. Ses yeux se fixaient d’un air pensif vers la verte pelouse qui s’étendait devant les fenêtres, ou plutôt vers deux personnes assises sur un banc rustique, au milieu de la pelouse. L’une d’elles était la veuve, en grand deuil ; l’autre, sa belle et gracieuse enfant, destinée à devenir la femme du nouveau lord. Les mains de la mère et de la fille étaient entrelacées. Il y avait de la tristesse sur le visage de l’une et de l’autre. Une tristesse plus profonde, quoique plus résignée chez la plus âgée, car l’enfant cherchait à consoler sa mère, et la douleur effleure l’enfance avec l’aile d’un papillon. Lumley les considérait toutes deux ; mais l’enfant plus particulièrement.

« Elle est bien jolie, disait-il, et elle sera bien riche. Somme toute, je ne suis pas trop à plaindre. Je suis pair, et j’ai de