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Mais Alice ne comprenait ni le danger qu’elle courait elle-même, ni les sensations que Maltravers voulait fuir, pour son compte, ne se sentant pas la force d’y résister. Elle se leva, pâle et tremblante, s’approcha de Maltravers, et posa doucement sa main sur son bras.

« Je m’en irai quand et où vous voudrez… le plus tôt sera le mieux… demain… oui, demain ; vous êtes honteux de la pauvre Alice ; et j’étais bien folle d’être aussi heureuse. (Elle lutta pendant un instant contre son émotion, puis elle continua) : Vous savez que Dieu pourra m’entendre, même quand je serai loin de vous, et quand j’en saurai davantage, je pourrai le prier mieux encore ; alors Dieu vous bénira, monsieur, et vous rendra heureux, car je ne lui ferai jamais d’autre prière. »

En disant ces mots, elle s’éloigna et se dirigea avec fierté vers la porte. Mais arrivée sur le seuil, elle s’arrêta, et se retourna, comme pour jeter un dernier regard d’adieu à la chambre. Toutes les associations d’idées, tous les souvenirs attachés à ces lieux bien-aimés l’assaillirent à la fois ; la respiration lui manqua, elle chancela et tomba inanimée.

Maltravers était déjà à ses côtés, il la soulevait, il proférait des exclamations ardentes et passionnées : « Alice, Alice, ma bien-aimée ! Pardonne-moi ; nous ne nous séparerons jamais ! »

Il réchauffait ses mains dans les siennes, tandis qu’elle reposait sur son sein cette tête charmante, et il couvrait de baisers ses jolies paupières ; elle ouvrit lentement les yeux, et ses bras affectueux enlacèrent involontairement Maltravers.

« Alice, murmura-t-il, Alice, chère Alice, je t’aime ! »

Hélas ! c’était vrai : il l’aimait… et il oubliait tout pour cet amour. Il avait dix-huit ans !