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dérober à la vengeance de son ami ; il monta donc l’escalier, en faisant signe à la vieille femme de le précéder.

Quelques minutes après il se présenta à la porte de la voiture.

« Allons-nous-en Maltravers, dit-il ; cet homme n’est pas en état de vous rendre raison.

— Ah ! s’écria Maltravers, dont le front se contracta et s’assombrit ; et son indignation, si longtemps étouffée, s’élança comme du feu dans toutes les veines de son corps. Ah ! se refuserait-il à l’expiation. »

Il écarta Danvers avec impatience, sauta à bas de la voiture et s’élança dans l’escalier.

Danvers le suivit.

Échauffé, exaspéré, furieux, Ernest Maltravers se précipita dans une chambre étroite et misérable ; la lumière qui brillait à travers les crevasses nombreuses de la porte fermée lui avait indiqué que Cesarini s’y trouvait. Et les yeux de celui-ci, flamboyant d’un feu sinistre, furent le premier spectacle qui s’offrit à ses regards. Maltravers s’arrêta immobile, comme s’il se fût changé en pierre.

« Ah ! ah ! ah ! s’écria avec un affreux ricanement une voix aiguë et stridente, contrastant horriblement avec la douce langue toscane qui servait de véhicule à ces paroles incohérentes ; qui vient là, les vêtements pleins de sang ? Vous ne pouvez pas m’accuser, moi… car le coup que j’ai porté n’a point fait couler le sang ; il a frappé droit au cœur… il n’a pas déchiré les chairs en passant ; nous autres Italiens, nous empoisonnons nos victimes ! Où es-tu… où es-tu, Maltravers ? Je suis prêt. Lâche, pourquoi ne viens-tu pas ? Oh ! oui, oui, te voilà… des pistolets !… non je ne veux pas me battre ainsi. Je suis une bête sauvage. Déchirons-nous l’un l’autre avec nos dents et nos griffes ! »

Accroupi sur lui-même, comme un amas de membres confus et épars, le malheureux gisait dans un coin de la chambre, fou furieux. Deux hommes le tenaient sous leur ferme étreinte, qu’il secouait néanmoins de temps à autre, avec la force gigantesque qui appartient à la démence, pour retomber aussitôt épuisé et sans connaissance. Ses yeux dilatés et injectés de sang semblaient sortir de leur orbite, ses lèvres se couvraient d’écume, ses cheveux noirs se dressaient sur sa tête, ses traits délicats et symétriques grimaçaient et se contractaient ; son visage présentait l’aspect hideux d’une tête de Gorgone. La