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son, sans un effort, sa respiration s’éteignit ; sa tête glissa de dessus le sein de Maltravers ; son corps échappa à son étreinte… tout était fini !


CHAPITRE VIII.

Est-ce-là la fin qu’on nous promettait ?
(Shakspeare. Le roi Jean.)

Deux heures s’écoulèrent avant que Maltravers quittât la maison de lord Saxingham. Il était une heure du matin. Tandis qu’il traversait les rues et que les rafales du vent hurlaient autour de lui, on eût dit qu’une vie étrange et magique avait passé dans son être et le soutenait : c’était une espèce d’existence endormie, inerte. Il marchait comme un somnambule, insensible aux objets et aux circonstances extérieures. Pourtant ses pas étaient fermes et libres. Une seule pensée s’était emparée de tout son être ; toute son intelligence semblait s’y être concentrée ; cette pensée qui n’était ni fougueuse, ni véhémente, mais calme, austère et solennelle, c’était la pensée de la vengeance, qui semblait en quelque sorte s’être incorporée à son âme elle-même. Il s’arrêta à la porte du colonel Danvers, monta l’escalier et au moment où son ami s’avançait au-devant de lui, il lui dit avec calme :

« Maintenant l’heure est venue.

— Mais que voulez-vous faire à présent ?

— Venez avec moi et vous l’apprendrez.

— Très-bien. Ma voiture est en bas. Voulez-vous dire aux domestiques où nous allons ? »

Maltravers fit un signe de tête affirmatif, donna ses ordres au laquais insouciant, et bientôt les deux amis parcouraient les régions moins connues et moins noblement habitées de la gigantesque cité. Ce fut alors que Maltravers raconta brièvement à Danvers l’action frauduleuse de Cesarini.

« Vous allez m’accompagner maintenant chez lui, dit Maltravers en terminant. Pour lui rendre justice, je dois dire qu’il n’est pas poltron ; il n’a pas hésité à me donner son adresse, et n’hésitera pas à m’accorder l’expiation que je lui demande.