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mobile pendant quelques moments. Un pas furtif se glissa dans la chambre ; c’était celui du malheureux père. Il se plaça de l’autre côté du lit de sa fille, et se mit à pousser des sanglots convulsifs.

Elle se souleva, et, même au milieu des ombres de la mort, ses joues se colorèrent.

« Mon bon, mon cher père, quelle consolation ce sera pour vous, plus tard, de vous rappeler à quel point vous avez été indulgent pour votre Florence ! »

Lord Saxingham ne put répondre ; il la pressa contre son cœur, et l’inonda de ses larmes. Puis il s’arracha soudain de cet embrassement, et la regarda en frémissant.

« Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-il, elle est morte, elle est morte ! »

Maltravers tressaillit. Le médecin s’approcha avec intérêt, prit la main de lord Saxingham, et le fit sortir de la chambre ; il se laissa conduire, silencieux et obéissant comme un enfant.

Mais la lutte entre la vie et la mort n’était pas encore terminée. Florence rouvrit les yeux, et Maltravers poussa un cri de joie. Seulement les ombres de la mort voilaient rapidement ces yeux, qui cherchaient toujours, à travers les brouillards et l’obscurité croissante, son visage bien-aimé, penché sur elle, comme pour communiquer un souffle de vie à cette existence qui s’éteignait. Deux fois ses lèvres s’agitèrent, mais la voix lui manqua ; elle secoua tristement la tête.

Maltravers porta précipitamment aux lèvres de la mourante un cordial qui se trouvait tout préparé sur la table ; mais à peine y avait-elle trempé les lèvres, qu’Ernest sentit le corps de son amie s’appesantir de plus en plus entre ses bras. La tête de Florence retomba sur le sein de son fiancé : trois fois elle fit un effort désespéré pour respirer, et à la fin, elle leva la main vers le ciel et le dernier rayon mourant de vie se débattit un instant contre la mort.

« Là… là haut !… Ernest… Ernest !… »

Oui ce nom fut le dernier qu’elle prononça ; elle avait évidemment la conscience de sa dernière pensée, car au moment sa voix s’éteignit, un sourire doux et calme, un sourire tel qu’on n’en voit jamais que sur la figure des mourants et des morts, sourire emprunté à une lumière qui n’est pas de ce monde, se répandit sur son front, sur ses lèvres, sur tout son visage ; elle continua à respirer encore quelques instants, mais de plus en plus faiblement. À la fin sans un murmure, sans un