Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maine ; vous, qui ne l’avez jamais aimée comme moi ; vous… que je hais, que je déteste ! vous… »

Cesarini s’arrêta ; sa voix s’éteignit, étouffée par ses efforts convulsifs pour respirer.

Maltravers le regarda du haut de sa stature droite et majestueuse, d’un œil inexorable ; car, de ce côté, Maltravers avait fermé son âme à la pitié.

« Lâche criminel ! dit-il, écoutez-moi, je vous ai prodigué de l’indulgence, de l’amitié, une sollicitude tendre et inquiète. Quand vos folies vous ont précipité dans la misère, c’est ma main invisible qui vous a arraché à la faim ou à la prison. Je me suis efforcé de vous racheter, de vous sauver, de vous relever, de faire naître dans votre âme méprisable le désir et les moyens de mener une vie d’honneur et d’indépendance. Florence Lascelles se chargea d’être mon intermédiaire près de vous ; vous nous avez dignement récompensés ! par une fraude, par un faux infâme, qui attachait une accusation déshonorante à mon nom, qui lui apportait, à elle, le désespoir et la mort. À la fin votre conscience vous a reproché votre crime ; vous l’avez révélé à Florence ; une dernière étincelle de courage vous a poussé à me l’avouer aussi. Quoique, dans ce moment-là, je fusse encore sous l’impression du spectacle de votre œuvre de destruction, je maîtrisai l’impulsion qui me poussait à étouffer dans votre sein le souffle de l’existence. Je vous dis que vous pouviez continuer à vivre jusqu’à ce que la vie l’eût quittée. Si elle se guérit, vous ai-je dit, je pourrai pardonner ; si elle meurt, je dois la venger. Nous avons fait un pacte solennel, et, dans quelques heures d’ici, il nous faudra sceller cet engagement par le sang de l’un de nous deux. Castruccio Cesarini, il y a une justice au ciel. Ne vous abusez pas ; vous périrez par ma main. Quand votre heure sera venue vous aurez de mes nouvelles. Laissez-moi passer ; je n’ai plus rien à vous dire. »

Chaque mot de ce discours fut prononcé avec une clarté pénétrante, comme si la voix révélait les profondeurs du cœur. Mais Cesarini ne pouvait pas en comprendre le sens. Il saisit Maltravers par le bras, et fixa sur son visage un regard menaçant et hagard.

« M’avez-vous dit qu’elle se mourait ? dit-il. Je vous adresse cette question : pourquoi ne me répondez-vous pas ? Oh ! il paraît que vous me menacez de votre vengeance, n’est-ce pas ? Ne savez-vous pas que je brûle de me trouver face à face avec