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lâche dont un homme puisse se rendre coupable, que pour triompher de ma douleur, pour me braver et me pousser à venger mon injure. Partez, misérable, partez ; pour le moment vous ne courez aucun danger. Tant qu’elle vivra, ma vie ne m’appartient pas : je ne dois pas la risquer. Si elle renaît à la santé, je saurai vous plaindre et vous pardonner. Pour moi, votre trahison, bien qu’infâme, est au-dessous de mon mépris. Ce sont les conséquences de ce crime, en ce qui touche à… à… votre noble victime, qui peuvent seules élever ce qui est méprisable à la hauteur de ce qui est tragique, et me faire considérer votre vie comme un holocauste juste et nécessaire, offert non à la vengeance, mais à la justice. Vie pour vie, victime pour victime ! C’est l’antique loi ; et elle est équitable.

— Je ne vous reconnais pas le droit, avec votre maudit sang-froid, de disposer ainsi de moi, de vous arroger l’alternative de me frapper ou de m’épargner ! Non, continua Cesarini, en frappant du pied, non ! Loin de chercher auprès de vous de l’indulgence, je vous brave, je vous défie ! Vous croyez que je vous ai fait injure, et moi, au contraire, je considère que c’est vous qui êtes coupable envers moi. Sans vous, elle m’eût peut-être aimé, elle m’eût appartenu. Mais n’importe. Sans vous, du moins, il est certain que je n’aurais pas souillé mon âme d’une lâche action, je n’aurais pas précipité la plus belle des créatures humaines dans la tombe. Si elle meurt, c’est moi peut-être qui ai commis ce meurtre, mais c’est vous qui en êtes la cause ; vous êtes l’esprit du mal qui m’a soufflé la tentation du crime. Je vous brave, je vous crache au visage. Il ne reste plus en moi aucun sentiment de douceur ; c’est du feu qui coule dans mes veines… Mon cœur a soif de sang, Vous… vous… il vous reste encore le privilége de la voir, de la bénir, de la soigner ; tandis que moi qui l’aimais tant, moi qui aurais baisé la terre qu’avait foulée ses pas, moi… Allons, allons, il n’importe. Je vous hais !… je vous insulte !… je vous jette au visage les noms d’infâme et de lâche ! J’invoque les lois de l’honneur, et je vous demande ce combat que vous ne pouvez ni différer, ni me refuser !

— Va-t’en chez toi, insensé, va-t’en chez toi ; va tomber à genoux, et prier le ciel qu’il te pardonne ; règle tes comptes avec Dieu, et ne regrette pas les jours qui te sont laissés pour laver ton âme de cette noire souillure. Car, tandis que je te parle, je prévois trop bien que ses jours sont comptés ; et à la trame de sa vie la tienne est entrelacée. À peine aura-t-elle rendu le