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bruit qui se fit à la porte d’entrée, ni le retentissement des pas sur l’escalier ; il ne s’aperçut pas de la présence d’une autre personne dans la chambre, jusqu’au moment où il sentit une main se poser sur son épaule, et où, en se retournant, il vit le visage pâle et livide de Castruccio Cesarini.

« Voici une triste nuit et une heure solennelle, Maltravers, dit l’Italien, avec un sourire contracté, c’est bien la nuit et l’heure qui conviennent à mon entrevue avec vous.

— Arrière ! dit Maltravers avec impatience. Je ne suis pas disposé à écouter vos tirades tragiques.

— Ah ! mais vous m’entendrez jusqu’au bout. J’ai guetté votre arrivée ; j’ai compté les heures que vous avez passées auprès d’elle ; je vous ai suivi jusque chez vous. Si vous avez des passions humaines, l’humanité elle-même doit être tarie en vous, et la bête fauve dans sa tanière ne doit pas être plus redoutable à rencontrer. C’est pour cela, que moi je vous cherche, et que je vous brave. Restez tranquille. Florence vous a-t-elle révélé le nom de l’homme qui vous a calomnié, et qui l’a livrée elle-même à la mort ?

— Ah ! dit Maltravers en pâlissant affreusement, et en fixant les yeux sur Cesarini ; vous n’êtes pas cet homme ; mes soupçons sont tombés sur un autre.

— C’est moi. Fais ce que tu voudras. »

À peine ces mots étaient-ils prononcés, que Maltravers, en poussant un cri de rage, se jeta sur l’Italien, l’enleva, l’étreignit dans ses bras comme un enfant, et le brandit en l’air au tour de sa tête ; dans ce paroxysme de folie, au milieu de cette lutte des éléments de la vengeance et de la raison, il tint peut-être à un cheveu que Maltravers ne précipitât le criminel de cette élévation effrayante où ils se trouvaient. Enfin la tentation s’éloigna. Un instant après Cesarini s’appuyait à la muraille sain et sauf, mais presque évanoui de rage et de frayeur.

Il était seul ; Maltravers l’avait quitté, il avait fui, fui dans sa chambre, fui pour chercher un refuge contre les passions humaines sous l’aile de celui qui voit tout, qui est toujours présent.

« Mon père ! dit-il en gémissant, et en se jetant à genoux, soutiens-moi, sauve-moi, sans toi je suis perdu ! »

Cesarini revint lentement à lui, et rentra dans l’appartement. Déjà les premières atteintes de la folie s’emparaient de son cerveau, et il revenait, sournois et farouche, exaspérer le lion