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— Milord va mieux, monsieur ; il a parlé, à ce qu’il paraît. »

En ce moment un jeune visage, les traits gonflés et rougis à force de pleurer, se pencha par-dessus la rampe de l’escalier ; un instant après, Éveline accourait haletante dans le vestibule.

« Oh ! montez, montez, mon cousin Lumley ; il ne peut pas mourir en votre présence ! C’est impossible ; vous paraissez toujours si plein de vie ! Il ne mourra pas, n’est-ce pas ? Vous ne croyez pas qu’il mourra ? Oh ! emmenez-moi avec vous ; on ne veut pas me laisser aller auprès de lui !

— Chut ! ma chère petite fille, chut ! Suivez-moi tout doucement ; c’est bien. »

Lumley gagna la chambre de son oncle ; il frappa à la porte, et il entra ; l’enfant s’y glissa aussi, sans qu’on l’observât, ou du moins sans qu’on l’en empêchât. Lumley souleva le rideau du lit ; le nouveau lord y était étendu, la tête soutenue par des oreillers ; ses yeux grands ouverts avaient une fixité vitreuse, mais semblaient conserver l’intelligence ; ses traits étaient horriblement décomposés. Lady Vargrave était agenouillée de l’autre côté du lit ; son mari tenait l’une de ses mains entre les siennes ; de l’autre elle lui baignait les tempes et ses larmes coulaient rapides et abondantes, sans bruit ni sanglot, le long de ses joues pâles et blanches.

Deux médecins conféraient ensemble dans l’embrasure d’une fenêtre ; un apothicaire préparait des médicaments sur une table ; et deux des plus vieilles servantes de la maison se tenaient à peu de distance des médecins, dans l’espoir d’entendre ce qu’ils disaient.

« Mon cher, mon excellent oncle, comment vous sentez-vous ? demanda Lumley.

— Ah ! vous êtes donc venu ? dit le mourant d’une voix faible mais claire ; c’est bien. J’ai beaucoup de choses à vous dire.

— Mais pas à présent… pas à présent ! Vous êtes trop faible, » dit sa femme d’un ton suppliant.

Les médecins s’approchèrent du lit. Lord Vargrave agita sa main, et leva la tête.

« Messieurs, dit-il, je sens la mort s’avancer à grands pas ; il est très-urgent, pendant que j’ai encore ma connaissance, que je m’entretienne avec mon neveu. Le moment actuel vous semble-t-il propice ? Si j’attends, êtes-vous sûrs que j’en trouverai un autre ? »