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— Osez-vous me menacer ?

— Oseriez-vous me trahir ? trahir un homme qui, s’il est coupable, n’est coupable que pour vous, à cause de vous ? Un homme qui aurait voulu vous donner la plus belle fiancée, et la plus riche dot de l’Angleterre ; et dont tout le crime envers vous est de ne pouvoir commander à la vie et à la santé ?

— Pardonnez-moi, dit l’Italien, fort ému ; pardonnez-moi, et comprenez ce que je veux dire. Je ne vous aurais pas trahi, vous ; il y a de l’honneur parmi les scélérats. Je n’aurais avoué que mon crime ; je n’aurais jamais dévoilé le vôtre. Pourquoi vous aurais-je dénoncé ? Cela ne servirait à rien.

— Est-ce sérieux ? Parlez-vous en toute sincérité ?

— Oui, sur mon âme !

— Alors, en vérité, vous êtes digne de mon amitié. Vous vous chargerez seul de toute la responsabilité de cette œuvre de faussaire (un vilain mot, mais il épargne les circonlocutions) ; seul, n’est-ce pas ?

— Oui ! »

Ferrers se tut pendant un instant, puis il s’arrêta court.

« Vous me le jurez ?

— Par tout ce qu’il y a de plus sacré !

— Alors, écoutez-moi, Cesarini : demain, si lady Florence va plus mal, je ne mettrai plus d’obstacle à votre révélation, dans le cas où vous vous décideriez à la faire. Je me servirai même de cette influence que vous me laissez conserver, pour atténuer votre faute, pour obtenir votre pardon. Et pourtant, renoncer à vos espérances, livrer une femme, que vous aimez tant, aux bras de ce rival détesté, c’est magnanime, c’est noble, ce serait au-dessus de mes forces ! Faites ce que vous voudrez. »

Cesarini allait répondre, lorsqu’un domestique à cheval tourna soudain l’angle de la rue, presque au grand galop. Son regard tomba sur Lumley ; il arrêta son cheval, et mit pied à terre.

« Oh ! monsieur Ferrers, dit-il tout hors d’haleine, je viens de chez vous ; on m’a dit que je vous trouverais peut-être chez lord Saxingham, et j’y allais justement…

— C’est bien, c’est bien ; qu’y a-t-il donc ?

— Mon pauvre maître, monsieur, je veux dire milord….

— Qu’est-ce qui lui est arrivé ?

— Il a eu une attaque, monsieur. Les médecins sont auprès