Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les rues, à cette heure, et par une pareille nuit encore ! Vous avez tort ; quelle imprudence !

— Ne me dites rien ; je suis déjà presque folle ! Je ne pouvais rester en place ; je ne pouvais braver le silence de la solitude ; encore moins la figure de mon père ; je ne le pouvais pas ! Mais vite ! Que dit-il ? quelle excuse a-t-il faite ? Dites-moi tout ! Je me rattacherai à un brin d’herbe.

— Est-ce bien là l’orgueilleuse Florence Lascelles ?

— Non, c’est Florence Lascelles vaincue, humiliée. J’ai laissé l’orgueil de côté ; parlez-moi donc !

— Ah ! quel trésor qu’un cœur pareil ! Comment peut-il le repousser !

— Est-ce qu’il nie ?

— Il ne nie rien ; il prétend qu’il se réjouit d’avoir échappé (telle est son expression) à un mariage où son cœur n’a jamais été engagé. Il est indigne de vous ; oubliez-le ! »

Florence frissonna, et Ferrers, en prenant son bras pour le passer dans le sien, toucha sa main nue ; cette main était glacée.

« Que vont penser les domestiques ? quelle excuse donnerons-nous ? » dit Ferrers, lorsqu’ils s’arrêtèrent sous le portique.

Florence ne répondit pas ; mais au moment où la porte s’ouvrait, elle dit, d’une voix étouffée :

« Je me sens mal… mal… » Et elle s’appuya sur Ferrers avec cette pesanteur et cet affaissement, indices précurseurs d’un évanouissement.

La lumière l’environnait ; le visage de chaque laquais exprimait un étonnement manifeste. Par un violent effort, Florence maîtrisa sa défaillance, car elle n’avait pas encore rompu avec l’orgueil ; elle traversa le vestibule du même pas majestueux que d’habitude, elle monta lentement le grand escalier, et elle gagna la solitude de sa chambre, pour y tomber roide et inanimée sur le parquet.