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pieds. La lettre tomba de ses mains ; tout son être sembla s’affaisser et se replier sur lui-même ; ses dents étaient serrées, son visage avait la pâleur du marbre.

« Oh ! mon Dieu ! s’écria Cesarini, saisi de remords. Parlez-moi, parlez-moi, Florence ! je fus coupable ; oubliez cette maudite lettre ! Je vous ai trompée… trompée !

— Ah ! trompée ?… Dites-moi cela encore !… Mais non… non ; je me souviens qu’il m’a dit, lui, lui qui sait juger les hommes avec tant de sagesse et de pénétration, qu’il se ferait garant de votre loyauté… que votre honneur et votre cœur étaient incorruptibles ! Vous avez dit vrai ; je vous remercie ; vous m’avez arrachée à un sort affreux !

— Ô lady Florence, chère, trop chère encore, je voudrais… » Hélas ! elle ne m’écoute pas, murmura Cesarini. Lady Florence, les mains pressées contre ses tempes, marchait à grands pas en long et en large ; à la fin elle s’arrêta en face de Cesarini, le regarda fixement, lui rendit la lettre sans prononcer un mot, et du geste lui montra la porte.

« Non, non, ne m’ordonnez pas de vous quitter encore, s’écria Cesarini, tremblant de repentir et d’émotion, et pourtant presque fou de rage en voyant à quel point Florence aimait son rival.

— Partez, mon ami, dit Florence, d’une voix étrangement calme et douce. N’ayez point de craintes à mon sujet ; j’ai encore plus de fierté que d’amour ; mais il y a, dans le cœur d’une femme certains combats qu’elle ne peut laisser voir à personne… à personne, hormis à une mère. Moi, je n’en ai plus ! Que Dieu me vienne en aide ! Partez ; la première fois que nous nous reverrons, je serai calme. »

En disant ces mots, elle lui tendit la main. L’Italien mit un genou en terre, baisa convulsivement cette main, et craignant de se trahir s’il restait davantage, s’enfuit précipitamment.

Il était parti depuis peu, lorsque Maltravers arriva dans la rue. En descendant de cheval, il leva les yeux vers la fenêtre, et envoya un baiser à lady Florence qui s’y tenait debout, attendant son arrivée, avec des sentiments bien différents de ceux dont il la croyait animée. Il entra dans le salon, le cœur léger et joyeux,

Florence ne fit point un pas pour aller à sa rencontre. Il s’approcha et lui prit la main ; elle la retira en frémissant.

« Êtes-vous malade, Florence ?

— Je ne suis pas malade ; je suis guérie.