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— Vous ne sauriez supporter un tel coup. Vous me haïriez à cause de la douleur que je vous aurais infligée. Laissez-moi partir.

— Malheureux, vous insultez Maltravers. Je le vois bien maintenant. Vous voudriez calomnier dans l’ombre celui que vous n’osez diffamer ouvertement. Partez !… J’ai eu tort de vous écouter ; partez !

— Lady Florence, prenez garde ! Ne me poussez pas à vous détromper. Voici la lettre : c’est bien son écriture ; voulez-vous en prendre connaissance ? Je ne vous le conseille pas.

— Je ne veux croire qu’au témoignage de mes yeux ; donnez-la moi !

— Attendez alors : à deux conditions seulement. La première c’est que vous me promettez sur votre honneur de ne pas dire à Maltravers, sans mon consentement, que vous avez vu cette lettre. Ne croyez pas que je craigne sa colère. Non ! Mais dans la rencontre mortelle qui s’ensuivrait nécessairement, si vous me trahissez, votre réputation souffrirait aux yeux du monde ; et moi-même, mon excuse n’étant pas connue, je paraîtrais avoir manqué à l’honneur en accédant à votre désir, et en vous avertissant, tandis qu’il en était encore temps, de ne pas échanger l’amour contre la cupidité. Promettez-moi.

— Je vous le promets, je vous le promets solennellement.

— En second lieu, jurez-moi que vous ne demanderez pas à garder cette lettre, mais que vous me la rendrez immédiatement.

— Je vous le jure ; allons, donnez vite !

— Tenez ; la voici. »

Florence saisit ce document fatal et falsifié, et le lut rapidement. La tête lui tournait, ses yeux étaient obscurcis, ses oreilles étaient assourdies comme par un bruit de cataracte. l’émotion lui donna le vertige ; mais elle en lut assez. Cette lettre avait donc été écrite en réponse à celle que Castruccio avait envoyée la veille au soir ; Maltravers y confessait son aversion pour le caractère de Florence ; il y niait la sincérité de son amour pour lui ; il y insinuait clairement la nature mercenaire de ses propres sentiments. Oui, pour celui même à qui elle avait consacré tous les trésors de son cœur, elle n’était pas Florence, la femme belle et aimée ; mais Florence la riche et noble héritière. Cet univers qu’elle s’était élevé dans son esprit sur le cœur fidèle de Maltravers s’écroulait à ses