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a distribué les cartes, et nous a donné l’as d’atout. Il y a trois à parier contre un que nous ferons la levée. De plus, Maltravers ne sort pas ce soir. J’ai passé chez lui en revenant de voir mon oncle, et j’ai appris qu’il ne bougerait pas de la soirée.

La réponse d’Ernest arriva bientôt ; elle était courte et écrite à la hâte ; mais elle respirait toute la bonté de sa généreuse nature. Il exprimait l’admiration et le plaisir que lui avait fait éprouver le ton de la lettre de Cesarini ; il rétractait toutes ses anciennes préventions contre lady Florence ; il reconnaissait la sévérité et l’erreur de ses premières impressions ; il se servait de tous les raisonnements délicats qui pouvaient consoler et relever Cesarini ; et il terminait par des protestations d’amitié et des offres de service, si pleins de cordialité et de franchise, si dénués de toute affectation de ton protecteur, que Cesarini lui-même, quoique à demi fou de colère, en fut presque touché. Lumley aperçut le changement qui s’opéra sur sa physionomie ; il lui arracha la lettre, la lut, la jeta dans le feu, en disant :

« Il faut nous mettre en garde contre les accidents ! »

Puis il ajouta, en frappant amicalement sur l’épaule de l’Italien :

« À présent vous ne devez plus avoir de remords, car je n’ai jamais lu une tirade plus jésuitique, plus insultante, plus hypocrite. Où est votre billet pour lady Florence ? Vous lui présentez vos hommages, et vous serez chez elle à deux heures. Là ; maintenant la répétition est terminée, la mise en scène est réglée, je vais aller m’habiller et commencer pour vous la pièce, par un prologue. »


CHAPITRE VIII

xxxxxxxxxxxxxxÆstuat ingens
Imo in corde pudor, mixtoque insania luctu
Et furiis agitatus amor, et conscia virtus.

(Virgile.)

Le lendemain, exact au rendez-vous, Cesarini se rendit à son entrevue critique avec lady Florence. Le visage de celle-ci (comme celui de toutes les personnes qui ne savent pas maîtriser leur caractère), exprimait toujours trop fidèlement