Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! décrivez-moi votre domaine. C’est là que nous demeurerons principalement, n’est-ce pas ? je suis sûre que j’aimerai bien mieux cette habitation que Marsden-Court ; c’est le nom de la gigantesque masse d’arches et de colonnes, échantillon le plus lourd du goût de Vaubrugh, qui vous appartiendra bientôt.

— Je crains que nous ne puissions jamais loger votre nombreuse suite, valets de chambre, laquais patagoniens, et Dieu sait qui encore, dans les coins et recoins de Burleigh, dit Ernest en souriant. »

Puis il se mit à décrire son vieux château, avec un peu de l’orgueil naturel à un gentilhomme campagnard de bonne maison. Florence l’écoutait, et tous deux ils devisaient, changeaient, ajoutaient, embellissaient, faisaient mille projets pour l’avenir. Quand ils eurent épuisé ce sujet, ils en abordèrent un autre, qui intéressait également Florence. Le dernier ouvrage de Maltravers était terminé, se trouvait-il déjà entre les mains de l’imprimeur, et Florence s’amusait à conjecturer les critiques qu’il allait susciter. Elle était sûre que tout ce qui lui plaisait le plus serait peu apprécié de la multitude. Elle se refusait à croire que d’autres qu’elle pussent comprendre Maltravers. Le temps s’écoula ainsi jusqu’au moment où ils passèrent à l’endroit où avait eu lieu l’aventure d’Ernest avec la fille de mistress Templeton. Ce site réveilla des pensées et des réminiscences chez Ernest, qui lui firent brusquement couper court au milieu d’une de ses éloquentes périodes, et jeter aux alentours un regard inquiet. Mais la gracieuse apparition ne se montra pas ; et quelle que fût l’impression que la vue de ce lieu avait produite, elle se dissipa par degrés lors qu’ils se trouvèrent dans les faubourgs de la grande capitale. Deux autres messieurs et une demoiselle de trente-trois ans les accompagnaient (je les avais presque oubliés). Mais ces personnes eurent la délicatesse de se tenir à distance pendant la plus grande partie du chemin, et la demoiselle, qui était spirituelle et coquette, sut occuper l’attention de ses deux cavaliers.

« Viendrez-vous chez nous ce soir, demanda timidement Florence.

— Je crains de ne le pouvoir pas. J’ai plusieurs affaires à régler avant mon départ pour Burleigh, où il faut que j’aille la semaine prochaine. Trois mois, chère Florence, suffiront à peine pour rendre Burleigh digne de sa nouvelle maîtresse.