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CHAPITRE VI.

Belle rencontre de deux affections bien rares.
(Shakspeare. La Tempête.)

Cependant les fiancés étaient en route pour revenir à Londres. L’air embaumé et serein d’une belle journée les avait décidés à faire ce petit voyage à cheval. On a dit quelque part que les amants ne sont jamais si beaux que lorsqu’ils sont ensemble, et Florence et Maltravers n’avaient jamais si bonne mine que quand ils étaient à cheval. Il y avait quelque chose dans la dignité et dans la grâce de tous deux, quelque chose même dans la silhouette de leurs traits aquilins, et dans la courbe hautaine de leur encolure, qui établissait une espèce de ressemblance entre eux quoiqu’il y eût une grande différence dans le degré relatif de leurs avantages physiques ; la beauté de Florence défiait toute comparaison. Lorsqu’ils s’éloignèrent de la porte de la ville de Cleveland, où les autres commensaux étaient assemblés pour leur dire adieu, il y avait dans tous les esprits une conviction du bonheur réservé aux deux fiancés, une impression générale que, moralement et physiquement, ils étaient admirablement assortis l’un à l’autre. La position réciproque où ils se trouvaient est toujours intéressante, même quand il s’agit de gens plus ordinaires, et dans ce moment-là ils étaient tout à fait en faveur auprès de ceux qui les suivaient des yeux. Lorsque le bon Cleveland se retira, les larmes aux yeux, et murmura : « Que Dieu les bénisse ! » il n’y avait pas une seule personne de la société qui eût hésité à se joindre à cette prière.

Florence éprouva un abattement inexplicable en quittant ce lieu consacré par de si chers souvenirs.

« Qui sait si nous serons jamais aussi heureux ? dit-elle doucement, en se retournant pour contempler le paysage qui tout brillant de fleurs, de feuillage et de riante verdure anglaise, s’épanouissait derrière eux comme un jardin.

— Nous ferons en sorte que mon vieux château et ses sombres ombrages nous fassent ressouvenir de ces lieux charmants, ma Florence.