suis pas digne de les partager ; c’est seulement dans la vie tranquille que nous menons ici que je puis oublier ce que… ce que j’étais. Vous m’épouvantez, quand vous me parlez d’aller à la cour… de…
— Bah ! lady Vargrave ! Bah ! on s’accoutume à ces choses-là. Ai-je l’air d’un homme qui s’est tenu derrière un comptoir ? Le rang est un gant qui s’adapte à la main qui le porte. Et l’enfant, la chère enfant, la chère Éveline, elle sera l’admiration de Londres, la beauté, l’héritière, la… oh ! elle me fera honneur !
— J’en suis sûre, j’en suis sûre ! » s’écria lady Vargrave, et des larmes jaillirent de ses yeux.
Lord Vargrave fut touché.
« Jamais mère n’eut plus de titres à la reconnaissance de son enfant, que vous n’en avez à celle d’Éveline.
— J’espère avoir fait mon devoir, dit lady Vargrave en séchant ses pleurs.
— Papa, papa ! s’écria une voix pleine d’impatience, et une petite main frappa aux carreaux. Venez jouer, papa ! Venez jouer à la balle, papa ! »
Et là, debout auprès de la fenêtre, se trouvait la belle enfant, rayonnante de santé et de gaieté ; ses cheveux blonds étaient rejetés en arrière, et sa jolie bouche s’épanouissait en joyeux sourires.
« Allez sur la pelouse, ma chérie ; ne vous fatiguez pas trop ; vous n’êtes pas encore bien remise de cette vilaine entorse. Je vais aller vous rejoindre tout de suite. Que Dieu vous bénisse !
— Venez bientôt, papa ; personne ne joue aussi bien que vous ; » et la petite fée, riant et sautant de joie, partit en courant.
Lord Vargrave se tourna vers sa femme.
« Que pensez-vous de mon neveu ; de Lumley ? dit-il brusquement.
— Il me paraît aimable, franc et bon. »
Le front de lord Vargrave devint rêveur.
« C’est aussi mon avis, dit-il après un moment de silence ; et j’espère que vous approuverez ce que j’ai l’intention de faire. Lumley, voyez-vous, a été élevé dans l’idée de devenir un jour mon héritier ; je lui dois quelque chose de plus que le pauvre domaine qui accompagne mon titre, mais qui ne pourra jamais le soutenir dignement. Il faut avoir égard à l’honneur