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« Vous voulez vous venger ; moi aussi. Maintenant, de quels moyens nous servirons-nous pour cela ? dit Ferrers.

— Je le poignarderais,… je le…

— Trêve à vos airs tragiques. Voyons, ne me regardez pas ainsi, et ne frappez pas du pied ; asseyez-vous et soyez raisonnable, ou bien allez-vous-en, et faites ce que vous voudrez.

— Monsieur, dit Cesarini, avec un regard qui aurait pu faire trembler un homme moins déterminé que Ferrers, prenez garde ! Ne vous faites pas un jeu de mon malheur.

— Vous êtes malheureux, et vous refusez toute consolation ; vous êtes ruiné de fortune, et vous extravaguez comme un poëte, au lieu de deviser et d’intriguer pour obtenir une opulence inouïe. La vengeance et l’ambition sont à notre portée ; mais il faut un pas furtif pour y atteindre, et une main hardie pour s’en emparer.

— Que voudriez-vous que je fisse ? Pourrais-je prendre moins que sa vie pour assouvir ma haine ?

— Prenez sa vie si vous le pouvez ! Cela m’est bien égal ; allez la prendre. Seulement je vous ferai observer, que si vous manquez votre coup, ou que s’il est plus fort que vous, et qu’il vous terrasse, on vous enfermera dans un hospice d’aliénés pendant deux ou trois ans au moins ; et ce n’est pas là que moi j’aimerais à passer l’hiver, à votre place ; après ça, faites comme vous voudrez.

— Vous ! vous ! mais qu’êtes-vous donc pour moi, vous ? Je veux y aller. Bonjour, monsieur.

— Arrêtez, dit Ferrers lorsqu’il vit que Cesarini était effectivement sur le point de partir ; attendez un instant ; asseyez-vous et écoutez-moi. Cela vaudra mieux !… »

Cesarini hésita, puis il obéit machinalement.

« Lisez cette lettre que vous avez reçue, dans le temps, de Maltravers… Vous avez fini ? Bon ! maintenant, écoutez bien : si Florence voit cette lettre, elle n’épousera pas, elle ne peut pas épouser l’homme qui l’a écrite. Il faut que vous la lui fassiez voir.

— Ah ! mon ange gardien, je vois, je vois ! Oui, il se trouve dans cette lettre des paroles qu’une femme aussi fière ne pourra jamais pardonner. Rendez-la moi ; j’irai sur-le-champ.

— Bah ! vous vous pressez trop. Vous n’avez pas fait attention que cette lettre a été écrite il y a cinq mois, avant que Maltravers fût très-lié avec lady Florence. Il lui a lui-même avoué qu’il ne l’aimait pas alors ; elle n’en serait que plus