Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je le vois à votre figure. Je suis prêt, maintenant, à tout entendre.

— Eh bien, alors, écoutez-moi. Vos soupçons ne vous ont pas trompé ; la jalousie devine toujours juste. Pour moi, il est hors de doute qu’Othello avait raison, et que Desdémone ne valait pas grand’chose. Maltravers a demandé ma cousine en mariage, et il est agréé. »

Cesarini devint d’une pâleur mortelle ; tout son corps trembla comme une feuille ; pendant un moment il eut l’air d’un épileptique.

« Malédiction ! dit-il enfin, les dents serrées, et en respirant avec peine. Malédiction sur lui, du fond de ce cœur qu’il a brisé !

— Et après la lettre qu’il vous a écrite ! Vous en souvient-il ? La voici. Vous mettre en garde contre lady Florence, et puis vous supplanter après ; n’est-ce pas là une trahison ?

— Une trahison plus noire que l’enfer ! Je suis Italien ! s’écria Cesarini en se levant soudain ; et toutes les passions de son brûlant climat se reflétèrent sur son visage : je veux me venger ! Ma fortune est perdue, mes espérances sont détruites, mon cœur est anéanti ; mais il me reste le plaisir des dieux, la consolation des désespérés : la vengeance !

— Iriez-vous lui envoyer un cartel ? demanda Lumley d’un ton pensif et calme. Est-ce que vous ne manquez jamais votre homme ? S’il en est ainsi, cela vaut la peine d’y penser ; sinon, c’est une dérision ; vous le manquez, il fait feu en l’air, les témoins s’interposent, et vous vous en allez tous les deux, diablement contents d’en être quittes à si bon marché. Le duel est une bêtise.

M. Ferrers, dit Cesarini avec colère, ce n’est pas ici le moment de plaisanter.

— Je ne plaisante pas ; et, qui plus est, Cesarini, dit Ferrers avec une énergie concentrée bien plus imposante que la fureur de l’Italien… qui plus est, je déteste tant Maltravers, je suis si irrité de sa froide supériorité, si froissé de ses succès, la pensée de cette alliance me révolte tellement, que je me couperais volontiers la main pour faire manquer ce mariage ! Je ne plaisante pas, jeune homme ; mais il y a du calcul et du bon sens dans ma haine ; c’est notre manière, à nous antres Anglais. »

Cesarini jeta à Ferrers un regard sombre, serra les poings, et arpenta la chambre à pas rapides en grommelant.