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paré. Il lut deux fois cette épître attentivement ; la seconde fois son visage s’éclaircit, et ses yeux étincelèrent. Le moment est venu de faire connaître cette lettre au lecteur, la voici :

« (Personnelle et confidentielle.)
« Mon cher Cesarini,

« L’assurance que vous me donnez de vos sentiments d’amitié m’est on ne peut plus agréable. Je suis porté, bien qu’à regret, à me ranger en grande partie à votre avis, relativement au mariage. Quant à lady Florence elle-même, il y a peu de personnes plus faites pour éblouir, peut-être même pour séduire. Mais est-elle capable de rendre un intérieur heureux ? de donner de la sympathie là où elle a été habituée à régner ? de comprendre la bizarrerie et les susceptibilités de notre race fantasque et maladive, et d’y céder ? de se contenter de l’hommage d’un seul cœur ? Je ne la connais pas assez pour décider cette question ; mais je la connais assez pour que votre bonheur m’inspire une profonde sollicitude et une vive inquiétude, s’il doit dépendre d’une nature aussi impérieuse et aussi arrogante. Mais sa fortune, son rang, me direz-vous ; ne sont-ce pas là les sources auxquelles un esprit ambitieux peut puiser le bonheur ? Hélas ! L’homme qui épousera lady Florence devra, en effet, je le crains, borner ses rêves de bonheur à ces sèches et décevantes réalités. Mais, Cesarini, ce ne sont pas là les paroles que je vous adresserais si nous étions plus intimes. Je doute de la sincérité de cet attachement que vous lui attribuez, et dont vous vous croyez l’objet. Il est évident qu’elle aime à faire des conquêtes. Elle se fait un jeu de ses victimes. Sa vanité trompe les autres… peut-être pour être enfin trompée à son tour. Je ne vous en dirai pas davantage.

« Tout à vous,
« Ernest Maltravers. »

« Bravo ! » s’écria Ferrers, qui laissa tomber la lettre, et se frotta les mains de plaisir. « Lorsque je manœuvrais pour lui faire écrire cette épître, je ne me doutais guère que le hasard me la rendrait d’une utilité aussi inappréciable. Il y a moins à changer que je ne pensais ; le plus maladroit griffonnement du monde en viendrait à bout. Voyons cela encore une fois. Hum !… hum… la première phrase à changer est celle-ci « je la connais assez pour que votre bonheur m’inspire une sérieuse sollicitude et une vive inquiétude, s’il doit dépendre d’une nature aussi impérieuse et aussi arrogante. » Il faut