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vantage depuis quelques années ; il est devenu fat et faiseur d’embarras.

— Savez-vous, Lumley, que, de vous deux, c’est encore vous que j’aurais préféré pour gendre. »

Lumley tressaillit légèrement.

« Vous plaisantez, milord ! je n’ai pas la fortune d’Ernest, je ne pourrais rien apporter à ma femme ; ma famille aussi, du moins du côté de ma mère, est moins ancienne.

— Oh ! quant aux apports, la fortune de Florette peut bien s’en passer, et, en comparaison de cette fortune, qu’est-ce que M. Maltravers aurait la prétention de lui reconnaître ? Ni ma fille, ni les enfants qu’elle pourra avoir, n’auront besoin de ses quatre mille livres sterling de rente[1], quand même il les leur reconnaîtrait en entier. Quant à la naissance, les relations, de nos jours, valent mieux qu’une vieille souche normande ; et, pour le reste, il est probable que vous serez l’héritier du vieux Templeton, que vous serez pair (et en pareil cas une grosse somme d’argent comptant est toujours utile) ; vous faites votre chemin au parlement, vous êtes des nôtres, vous serez bientôt fonctionnaire, et, flatterie à part, vous êtes, par-dessus le marché, un excellent garçon. Oh ! j’aimerais mille fois mieux que Florette se fût amourachée de vous ! »

Lumley Ferrers s’inclina, mais ne répondit rien. Il tomba dans une profonde rêverie ; lord Saxingham prit son porte-feuille officiel, dont le contenu l’absorba bientôt si complètement qu’il oublia le mariage de sa fille.

Lumley arrêta le cocher au moment où la voiture débouchait dans Pall-Mall, et se fit descendre au Club des Voyageurs. Tandis que lord Saxingham continuait sa route pour aller régler les affaires de la nation, lui qui ne savait pas régler celles de sa famille, Ferrers demandait l’adresse de Castruccio Cesarini. Le concierge ne put la lui donner. L’Italien venait généralement tous les jours chercher ses lettres, mais personne au club ne savait où il demeurait. Ferrers écrivit un mot à Cesarini pour le prier de venir le voir le plus tôt possible ; il pria le concierge de le lui remettre, et s’achemina vers sa demeure dans Great-George-Street. Il alla droit à sa bibliothèque, ouvrit son pupitre, et en retira la lettre (le lecteur ne l’a pas oubliée), que Maltravers avait écrite à Cesarini, et dont Lumley s’était em-

  1. 100 000 francs.