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« Chère Florence, dit-il avec tendresse, vous êtes pâle ; je crains que vous ne soyez plus souffrante ce soir.

— N’affectez pas un intérêt que vous ne sentez pas, je vous en prie, dit Florence, la lèvre ironique, mais les yeux pleins de larmes.

— Que je ne sens pas, Florence !

— C’est la première fois du moins que vous observez si je me porte bien ou mal. Mais n’importe !

— Ma chère Florence, pourquoi ce ton ? En quoi vous ai-je offensée ? Lumley vous aurait-il dit….

— Rien qui ne vous soit favorable. Oh ! soyez sans crainte, vous êtes un de ces hommes dont on ne dit que du bien. Mais que je ne vous retienne pas ici ! allons rejoindre notre hôte ; vous l’avez laissé seul. »

Lady Florence n’attendit pas de réponse, et du reste, Maltravers n’essaya pas de la retenir. Il parut blessé, et lorsqu’elle se retourna, dans l’espoir de rencontrer son regard plein de reproches, il était parti. Lady Florence devint inquiète, agitée ; elle parlait sans savoir ce qu’elle disait, et riait convulsivement. Néanmoins Cleveland s’abusa au point de croire qu’elle était d’une gaieté folle.

Bientôt elle se leva et traversa tous les salons : son cœur était avec Maltravers ; pourtant elle ne l’apercevait nulle part. À la fin elle entra dans la serre, et là, par les portes ouvertes, elle le vit qui se promenait lentement, les bras croisés, sur la pelouse éclairée par les rayons de la lune. Il y eut dans son cœur une courte lutte entre son orgueil de femme et son amour de femme ; c’est le dernier qui triompha : Florence s’approcha de Maltravers.

« Pardonnez-moi Ernest, dit-elle en lui tendant la main, c’est moi qui ai tort. »

Ernest baisa cette jolie main, et répondit d’une voix touchante :

« Florence, vous possédez le pouvoir de me faire souffrir, usez-en avec clémence. Dieu sait que je ne voudrais pas, pour satisfaire au vain désir de montrer l’empire que j’ai sur vous, vous infliger la moindre douleur. Ah ! ne vous imaginez pas qu’il y ait dans les querelles d’amoureux un charme qui puisse en compenser l’amertume.

— Je vous ai dit, Ernest, que j’étais trop exigeante. Je vous ai dit que vous ne m’aimeriez pas lorsque vous me connaîtriez mieux.