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de Lumley ressemblaient si peu à ses habitudes ! Elle pressa chaleureusement la main qu’il lui tendait, et le remercia par quelques paroles brèves, mais émues.

« Il n’y a personne qui soit assez grand, assez bon pour être digne de vous, Florence, continua Ferrers ; personne. Mais j’admire le choix généreux et désintéressé que vous avez fait. Maltravers et moi, nous n’avons pas été très-bons amis dans ces derniers temps, mais je le respecte, comme tout le monde doit le respecter. Il a de nobles qualités, et une haute ambition. En sus de l’amour ardent et profond que vous ne pouvez manquer de lui inspirer, il vous devra une éternelle reconnaissance. Dans un pays aristocratique comme celui-ci, votre main lui assure les plus brillants succès, la plus noble carrière. On va dorénavant apprécier ses capacités dans une toute autre mesure. Son mérite ne sera pas contraint de passer par des grades subalternes, il arrivera d’un bond aux emplois les plus élevés ; et comme il est encore plus fier qu’ambitieux, il doit bénir celle qui l’élève, sans effort, à une position si haute.

— Oh ! il ne pense pas aux avantages du monde ; il a l’âme trop pure, trop élevée, dit Florence, d’une voix tremblante de conviction. Il n’y a rien de cupide, rien de mercenaire dans son caractère !

— Non ; vous lui rendez justice ; il n’y a pas, en effet, l’ombre de bassesse dans son esprit. Ce n’est pas non plus ce que je voulais dire. La grandeur même de ses aspirations, son orgueil plein d’indignation et de dédain, l’élèvent trop haut pour qu’il puisse priser votre fortune et votre rang… autrement que comme des moyens d’atteindre à un but.

— Vous vous méprenez encore, dit Florence, avec un faible sourire, mais en pâlissant.

— Non, reprit Ferrers, parlant comme s’il ne l’eût pas entendue, et comme s’il poursuivait le fil de sa pensée, j’ai toujours prédit que Maltravers ferait un grand mariage. Il ne se permettrait pas d’aimer une femme pauvre et sans naissance. Ses affections sont autant dans son orgueil que dans son cœur. C’est un homme bien remarquable ; vous avez fait un choix fort sage. Que le ciel vous bénisse ! »

En disant ces mots, Ferrers la quitta, et lorsqu’elle descendit pour dîner, le front de Florence était voilé et préoccupé. Ferrers passa trois jours chez Cleveland. Il témoignait beaucoup de cordialité à Maltravers, et parlait peu à Florence.