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mes volontés plus que les jeunes filles ne le font d’ordinaire. Croyez-moi, mon cher père, je vous suis bien reconnaissante, non-seulement de votre affection, mais de votre estime. J’ai été une fille étrange, excentrique et volontaire, mais maintenant je vais m’amender ; et tout d’abord, je viens vous demander votre consentement pour prendre un précepteur et un guide….

— Un quoi ? s’écria lord Saxingham.

— En d’autres mots, je suis sur le point de… de… Allons, il faut que la vérité éclate ; je suis sur le point de me marier.

— Le duc de*** est donc venu ici, aujourd’hui ?

— Non, je ne crois pas. Mais ce n’est pas au duc que j’ai promis ma main. Une dignité plus rare et plus noble a séduit mon ambition. M. Maltravers a….

M. Maltravers !… M. le diable ! Vous êtes folle !… Ne m’en parlez pas, enfant, je ne consentirai pas à une chose aussi absurde. Un gentilhomme de province ! très-recommandable, beaucoup de mérite, et tout ce qui s’ensuit, je le veux bien, mais ce n’est pas la peine d’en parler : je suis décidé. Et avec la fortune que vous avez, encore !

— Mon cher père, je ne me marierai jamais sans votre consentement, quoique je régisse seule ma fortune, et que je sois majeure.

— Vous êtes une bonne fille ; et maintenant laissez-moi m’habiller. Nous serons en retard.

— Non, pas encore, dit lady Florence, en jetant négligemment les bras autour du cou de son père ; j’épouserai M. Maltravers, mais ce sera avec votre consentement. Réfléchissez un seul instant ; si j’épousais le duc de***, il s’attendrait à ce que je lui apportasse toute ma fortune, telle qu’elle est. Il y a dix mille livres sterling[1] de revenu qui sont à ma disposition : si j’épouse M. Maltravers, je les placerai sur votre tête, j’en ai toujours eu l’intention. C’est si peu de chose en retour de votre bonté, de votre indulgence ; mais enfin cela vous fera voir que votre petite Florette n’est pas une ingrate.

— Je ne veux pas en entendre parler.

— Arrêtez… écoutez la raison ! Vous n’êtes pas riche ; si jamais vous vous démettez de vos fonctions, vous n’avez droit qu’à une modique pension ; et vos appointements officiels, je vous l’ai souvent entendu dire, ne vous empêchent pas d’être

  1. 250 000 francs.