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avait pas deux Florences au monde ! Mais si cette pensée m’était venue, je n’aurais pas osé la nourrir un seul instant.

— Allez-vous-en ; allez-vous-en, dit Florence en sanglotant ; laissez-moi ! par pitié laissez-moi !

— Non, je ne vous quitterai pas, jusqu’à ce que vous m’ordonniez e me relever, » dit Ernest avec une émotion presque égale à celle de Florence, et il tomba à ses genoux.

Est-il besoin que je dise le reste ? Lorsqu’ils quittèrent ce lieu, un doux aveu avait été fait ; des serments solennels avaient été échangés ; Ernest Maltravers était le fiancé de Florence Lascelles.


CHAPITRE III.

Cent autres pères vous diraient à ma place que, puisque vous êtes de noble extraction, vous devez épouser un noble. Mais moi, je ne vous dis pas cela. Je ne veux pas sacrifier mon enfant à un préjugé.
(Kotzebue. — Les Serments d’amoureux.)
Prenez-y garde, mylord ; notre salut à tous dépend de la perte de cet homme astucieux.
(Shakspeare. Henri VI.)
Oh ! combien le printemps de l’amour rappelle la splendeur capricieuse d’un jour d’avril, où le soleil se montre d’abord dans tout son éclat, puis se cache bientôt derrière un nuage !
(Shakspeare. Les Deux gentilshommes de Vérone.)

Lorsque Maltravers se retrouva seul dans sa chambre, il lui sembla qu’il rêvait. Il avait obéi à une impulsion, irrésistible peut-être, mais qui ne satisfaisait pas la conscience de son cœur. Une voix lui disait tout bas : « Tu l’as trompée, et tu t’es trompé toi-même ; tu ne l’aimes pas ! » En vain il se rappelait la beauté, la grâce, le génie, la passion étrange et enthousiaste de Florence pour lui ; la voix lui répondait toujours : « Tu n’aimes pas. Dis adieu à jamais à tous les beaux rêves d’une vie plus heureuse que celle des mortels. Calypso et son île d’or ont disparu éternellement pour toi de l’océan orageux de l’avenir. Tu ne pourras plus peindre sur la toile nuageuse de