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de reconnaissance. Parmi ses faiblesses, j’en ai vu beaucoup dont tout homme littéraire, qui ne se surveillerait pas sévèrement, pourrait bien se rendre coupable ; et je dois ajouter aussi que sa famille a des droits à toute ma gratitude.

— Vous croyez à l’excelleace de son cœur, et à l’intégrité de son honneur ? demanda Cleveland.

— Certainement, j’y crois. Ce sont là, ce doivent être là les qualités qui rachètent les fautes des poetes. »

Maltravers parlait avec chaleur ; et, telle était, à cette époque, son influence sur lady Florence, que ses paroles décidèrent (hélas ! trop fatalement !) l’opinion qu’elle se forma du caractère de Castruccio ; opinion qui, d’abord, avait été favorable au poëte, mais que la présomption de celui-ci avait récemment ébranlée. Elle l’avait vu trois ou quatre fois dans l’intervalle qui s’était écoulé entre la réception de la lettre d’excuses qu’il lui avait écrite, et sa visite chez Cleveland, et il lui avait paru plus dépité qu’humilié. Mais elle éprouvait de la compassion pour une vanité qu’elle-même avait blessée.

« Et maintenant, continue Maltravers, passons à mon second sujet de consultation. Mais c’est de la politique ; cela va peut-être vous ennuyer, lady Florence ?

— Oh ! non. Les questions politiques ne me trouvent jamais indifférente ; elles m’inspirent toujours du mépris ou de l’admiration, selon les motifs des hommes qui les agitent. Parlez, je vous en prie.

— Eh bien, dit Cleveland, il suffit d’un confident à la fois ; vous m’excuserez, car j’aperçois mes hôtes qui traversent la pelouse, et il vaut mieux que je fasse une diversion en votre faveur. Ernest pourra me consulter à tout autre moment. »

Cleveland s’éloigna ; mais l’intimité qui existait entre Maltravers et Florence était d’une nature si franche, que la pensée d’un tête-à-tête ne les embarrassa aucunement, ni l’un ni l’autre.

« Lady Florence, dit Maltravers, il n’y a personne au monde en qui je me confie aussi volontiers qu’en vous. Je suis presque content de l’absence de Cleveland ; car, malgré toutes ses bonnes et aimables qualités, le monde a trop d’importance à ses yeux, et nous ne discutons pas d’après les mêmes principes. Pardonnez-moi ce préambule, et parlons de la position où je me trouve. J’ai reçu une lettre de M. ***. Cet homme d’État, que nul ne peut comprendre et apprécier à moins de connaître la noblesse chevaleresque de son caractère, voit se