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LIVRE VIII.


CHAPITRE PREMIER.


Notitiam primosque gradus vicinia fecit.
(Ovide.)


La ville de Cleveland était en effet pleine de ces personnes auxquelles on donne habituellement les qualifications d’agréables. Lady Florence Lascelles était du nombre. Le sage vieillard avait toujours conseillé à Maltravers de ne pas se marier trop jeune ; mais il ne voulait pas non plus qu’il différât cette époque importante de la vie, jusqu’à ce que toute jeunesse de cœur et d’émotion fût passée. Comme les anciens législateurs, il jugeait que l’âge de trente ans était l’heureux moment de former un lien, dans lequel on devrait peut-être apporter, avec la raison de l’âge mûr, la passion de la jeunesse. Il voyait peu d’hommes plus capables que Maltravers d’apprécier les jouissances vraies de la vie domestique. Depuis longtemps aussi, il pensait qu’il n’y avait personne qui pût mieux sympathiser avec les idées d’Ernest, et comprendre mieux les singularités de son caractère que l’intelligente et spirituelle Florence Lascelles. Cleveland se montrait tolérant envers toutes ses excentricités d’idée et de conduite, excentricités qui disparaîtraient promptement, pensait-il, sous l’influence de cet attachement qui produit en général un si grand changement chez les femmes, et qui sait assouplir, lorsqu’il est fort et sincère, les caractères les plus entiers, jusqu’à céder ou s’assimiler aux sentiments et aux habitudes de la personne qu’on aime.

La faculté pleine de dignité que Maltravers avait de se maîtriser lui-même, était précisément, selon Cleveland, la qualité