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pure haleine de l’enfant sur sa joue, et ses beaux cheveux abondants, qui, soulevés par la brise, caressaient ses lèvres. Il baissa la voix pour lui murmurer toutes ces paroles affectueuses et consolantes, éloquence naturelle aux personnes qui aiment les enfants. Ernest Maltravers était adoré des enfants ; il les comprenait et il sympathisait avec eux ; il y avait beaucoup de la nature de l’enfant chez lui, sous l’enveloppe rude et froide de sa hautaine réserve. Ils arrivèrent enfin à la loge du parc, et Marguerite ayant demandé avec empressement si « Monsieur et Madame étaient à la maison », parut charmée lorsqu’on lui répondit qu’ils n’y étaient pas. Ernest, néanmoins voulut à toute force porter son doux fardeau à travers la pelouse jusqu’à la maison, qui, semblable en cela à presque toutes les maisons de campagne des environs de Londres, n’était qu’à une petite distance de la loge. Après avoir reçu la promesse la plus positive qu’on enverrait chercher un médecin immédiatement, force lui fut de se contenter d’étendre la blessée sur un canapé dans le salon. Elle le remercia avec tant de gentillesse, et l’assura avec tant d’amabilité qu’elle souffrait beaucoup moins, qu’il aurait donné le monde entier pour pouvoir l’embrasser. L’enfant avait achevé la conquête de Maltravers, en se montrant supérieure à cette faiblesse, ordinaire chez les enfants, d’exagérer leurs maux, afin de se faire plaindre, et d’augmenter par là leur importance et leur dignité. Elle était évidemment dépourvue d’égoïsme, et savait penser aux autres. Il l’embrassa : mais ce fut sa main qu’il baisa, et jamais chevalier n’a baisé avec plus de respect la main de sa dame ; alors pour la première fois l’enfant rougit ; alors pour la première fois elle pressentit que le jour viendrait où elle ne serait plus une enfant ! Pourquoi cela ? Peut-être parce que le premier témoignage d’une tendresse qui inspire le respect, et non la familiarité, est une ère dans la vie.

— Si jamais je pouvais redevenir amoureux, se dit Maltravers en continuant sa route, je crois vraiment que ce serait de cette ravissante petite fille. Le sentiment que j’éprouve ressemble plus à de l’amour à première vue, que toutes les émotions que m’ait jamais causées la beauté. Alice… ! Valérie… ! Non ; la première fois que je les ai vues je n’ai rien éprouvé de semblable ! Mais quelle folie ! Une enfant de onze ans ! et moi qui vais en avoir trente ! »

Pourtant, folie ou non, l’image de cette jeune fille poursuivit Maltravers pendant plusieurs jours ; jusqu’à ce que le