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ment glacé le cœur, tant était puissant l’intérêt inconcevable qu’elle avait éveillé chez lui), elle fit pour se maîtriser un effort bien rare à son âge, et, avec un sourire forcé, elle l’assura qu’elle ne s’était pas fait beaucoup de mal, que ce n’était rien, et que, du reste, elle était tout près de chez elle.

« Ah ! mademoiselle, dit la bonne, je suis sûre que vous vous êtes fait bien mal. Mon Dieu ! mon Dieu ! que monsieur va donc être en colère ! Ce n’était pas de ma faute ; n’est-ce pas, monsieur ?

— Oh ! non, ce n’était pas de votre faute, Marguerite ; n’ayez pas de crainte, papa ne vous grondera pas. Mais cela va beaucoup mieux à présent. »

En disant ces mots, elle essaya de marcher ; vain effort ! elle devint plus pâle encore, et quoiqu’elle s’efforçât de retenir un cri, des larmes involontaires coulèrent le long de ses joues.

Quelque singulier que cela puisse paraître, Maltravers n’avait jamais été plus touché ; ses yeux aussi se remplirent de larmes ; il brûlait de la porter dans ses bras, mais, tout enfant qu’elle fût, une étrange timidité nerveuse l’en empêchait. Marguerite s’y attendait peut-être, car elle le regarda fixement, avant de se charger d’un fardeau que, vu sa taille petite et frêle, elle n’était guère capable de porter. Cependant, après un moment d’hésitation, elle souleva l’enfant qui, honteuse de ses pleurs, et presque vaincue par sa douleur, se cacha la tête dans le sein de sa bonne ; Maltravers marchait à côté d’elle, tandis que son cheval docile et bien dressé le suivait à une petite distance, posant de temps à autre les pieds de devant sur le talus, pour arracher une bouchée de feuilles à la haie.

« Oh ! Marguerite, s’écria la pauvre blessée, je ne puis endurer cette douleur… je ne le puis vraiment ! »

Et Maltravers remarqua que Marguerite avait laissé pendre le pied blessé au lieu de le soutenir, de sorte qu’en effet, la douleur devait en être presque intolérable. Il ne put se contenir plus longtemps.

« Vous n’êtes pas assez forte pour la porter, dit-il vivement à la bonne, » et un instant après l’enfant était dans ses bras. Avec quelle tendresse inquiète il la portait ! Et qu’il fut heureux lorsqu’elle tourna son visage souriant vers lui, en lui disant qu’elle ne sentait presque plus de mal ! S’il était possible de devenir amoureux d’une enfant de onze ans, peu s’en fallait que Maltravers ne fût amoureux. Ses artères battaient, rien qu’à sentir la