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Là-dessus, il enferma cette lettre dans son pupitre, et Cesarini en eut bientôt oublié l’existence.


CHAPITRE V.

Lorsque, pour la première fois, elle vint éblouir mes yeux ravis, je crus voir un mirage délicieux, une apparition charmante, envoyée sur la terre pour l’embellir un moment.
(Wordsworth.)

Pendant quelques semaines, Maltravers ne revit pas lady Florence ; en attendant, Lumley Ferrers fit son début au parlement. Rigoureusement fidèle à son système de suivre en tout une ligne de conduite préméditée, et trop judicieux pour s’exagérer son mérite, il ne se risqua pas, comme presque tous les nouveaux membres qui se croient de l’avenir, à l’épreuve douteuse d’un grand discours de début. Quoiqu’il eût la parole hardie, prompte et facile, il n’était pas éloquent, et il savait que, dans les grandes occasions, où il faut de grands discours, les gros canons aiment à faire à eux seuls les honneurs de l’affaire. Il ne tomba pas non plus dans l’autre erreur, commune aux jeunes membres qui ont de l’avenir, lesquels s’acharnent comme des sangsues après la première affaire à l’ordre du jour, et sont toujours à chicaner sur les détails ; tout cela pour gagner en échange de leurs peines le titre de personnages fastidieux qui ne feront jamais rien de bon. Mais il parlait fréquemment, courageusement, brièvement, et en assaisonnant ses discours d’une bonne dose de personnalité et de bonne humeur. C’était précisément l’homme qu’un ministre peut charger de dire la chose que d’autres ne voudraient pas dire ; et il le faisait avec une intrépidité de franchise qui faisait passer sur plus d’une infraction apparente aux lois du bon goût. Il devint bientôt un des orateurs favoris de la clique parlementaire, surtout auprès de ces messieurs qui se pressent en foule à la barre, et qui se soucient fort peu d’entendre les arguments du débat. Il existait maintenant un refroidissement évident entre lui et Maltravers, car ce dernier considérait son ancien ami (que ses principes