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seul instant qu’après un tel aveu lady Florence consente encore à vous recevoir ;… si toutefois elle a l’intention de repousser votre amour ?

— Quelle folie j’ai faite ! Mais non… il faut qu’elle me voie, il le faut !

— Croyez-moi : dans ce pays-ci la violence ne réussirait pas. Suivez mon conseil. Écrivez-lui une lettre d’excuses bien humble, reconnaissez votre erreur, invoquez sa pitié ; et, déclarant que vous renoncez à tout jamais au rôle d’amant, conjurez-la de vous accorder encore une fois le titre d’ami. Tenez-vous donc tranquille, et écoutez-moi jusqu’au bout. Je suis plus âgé que vous et je connais ma cousine ; elle sera piquée ; votre humilité calmera d’une part sa vanité, tandis que votre froideur la stimulera de l’autre. Pendant ce temps vous surveillerez Maltravers ; je serai à vos côtés ; et, entre nous deux, pour nous servir d’une phrase triviale, nous lui ferons son affaire. Alors vous aurez pour vous l’occasion, la place libre, et le bon droit. »

Cesarini se montra d’abord rebelle ; mais il finit pourtant par reconnaître la sagesse des avis de Lumley. Néanmoins celui-ci ne voulut pas le quitter avant de lui avoir fait adopter ses conseils. Il conduisit Cesarini à son club, lui dicta sa lettre à Florence, et se chargea de la faire parvenir. Ce ne fut pas tout.

« Il est nécessaire aussi, dit Lumley après un moment de réflexion, que vous écriviez à Maltravers.

— Et pourquoi ?

— J’ai mes raisons. Priez-le d’une manière franche et amicale, de vous dire son opinion de lady Florence ; dites-lui que vous croyez être aimé d’elle, et demandez-lui ingénument s’il pense que vous ayez des chances de bonheur dans une pareille union.

— Mais pourquoi cela ?

— Sa réponse pourra nous être utile, répondit Lumley d’un ton pensif. Attendez ; je vais vous dicter cette lettre. »

Cesarini surpris hésitait ; mais il y avait chez Lumley une puissance de volonté qui maîtrisait déjà l’esprit faible et passionné du poëte. Il écrivit donc sous la dictée de Lumley : sa lettre commençait par quelques doutes banals sur le bonheur qu’on peut trouver en général dans le mariage ; puis il s’excusait de sa froideur récente envers Maltravers, et lui demandait confidentiellement son opinion sur le caractère de lady Flo-